Une des grandes questions philosophiques de notre siècle est de s’interroger sur l’intention des producteurs de Tributes à sortir ces compilations de titres de groupes connus interprétés par des artistes (presque) pas aussi réputés. Devons-nous y voir un désir atavique de rendre à ces fleurons de la musique un vibrant hommage, une irrésistible envie de faire plaisir aux légions de fans en attente de la moindre production de leur combo chéri ou bien un besoin vénal compulsif ? Après le bon, la brute et le truand, je viens de vous présenter le rêveur, le naïf et le lucide.
Car en effet, peuple utopique, l’argent est partout, même dans le monde du Rock, même dans le genre du Hard Rock, même dans le sous genre du Hard Pop/Prog Rock Mélodique, même dans la sphère de Rush, THE groupe canadien, trio de quarante ans d’âge formé de garçons sympathiques, modestes, discrets, naturels et proches de leur fans.
Oui mais voilà, le Dieu Dollar, le Prince Euro, est du genre sangsue et puis, comme dit mon boulanger qui a le temps de cogiter en malaxant sa pâte, « il faut bien vivre ». Alors les Labels cherchent de l’oxygène là où les poches d’air semblent encore résider. Une de celle-ci est localisée du côté des Tributes.
Pourquoi pas me direz-vous, ça fait finalement souvent plaisir de retrouver quelques morceaux appréciés s’ils sont revisités avec talent. Garder le fond, changer la forme, le secret de la réussite est proche de cette formule. Sur ce troisième Tribute à Rush sorti sur le même label, le bat ne blesse pas à cet endroit, les musiciens assurent méchamment. Là où une gêne peut être ressentie c’est en constatant que « Tom Sawyer », « Limelight » et « Subdivisions » étaient déjà présents dans le Tribute « Subdivisions » en 2005 et que « Jacob’s Ladder », « Mission » et « The Trees » étaient déjà inclus dans le Tribute « Working Man » en 1996. Le pire étant qu’il n’y a pas que les titres qui soient les mêmes, il y a aussi ce qu’il y a dedans, c'est-à-dire qu’il s’agit de simples copiés/collés !
Alors oui, «New World Man», «Tom Sawyer» (la version chantée car l’instrumental funk est à benner sans état d’âme), «Force 10» (quelle rythmique !) et «Sudivisions» (merci Vinnie Moore - UFO) décoiffent notablement car puissamment repris, d’accord Sebastien Bach, Mike Portnoy, Billy Sheehan et John Petrucci enflamment «Jacob’s Ladder», certes Kip Winger et Andreas Kisser (Sepultura) boostent admirablement «Limelight» et en effet Eric Martin (Mister Big) magnifie «Mission». Mais voyez-vous, après plusieurs écoutes, quand le temps a fait son œuvre et que la surprise de la découverte s’estompe, vous restez face à votre moue dubitative dans le miroir et vous courrez à la cave chercher vos vieux vynils de Rush.
Du bon travail certes mais qui laisse une légère, mais désagréable, impression de duperie avec seulement trois nouvelles reprises au programme...