Quand un album est le fruit d’un véritable coup du sort, il peut provenir du besoin d’exorciser sa peine, de se remettre sur les rails pour continuer à vivre. C’est un peu ce qui est arrivé à l’équipée Deftones en cette fin d’année 2008 lorsque leur bassiste Chi Cheng subit un grave accident de la route le plaçant en état de coma durant de nombreux mois. Avant ce drame, le quatuor de Sacramento fignolait les contours de leur nouvel opus sensé sortir quelques mois plus tard. Mais après un tel événement, ce dernier dont le nom sera « Eros » est mis en attente, et le groupe accompagné à la basse par Sergio Vega (ex-Quickstand) décide finalement à la hâte de composer et d’enregistrer leur septième bébé « Diamond Eyes » en seulement quelques mois.
Chino Moreno met tout de suite la barre très haut en annonçant qu’il s’agit de l’un de leurs meilleurs albums. Il s’annonce aussi selon lui comme le mariage entre la lourdeur des débuts et les expérimentations tentées depuis « White Pony ». Malgré une nouvelle configuration, Deftones revient donc à ses fondamentaux, s’engage dans une introspection, se concentre quelques temps sur le passé pour mieux appréhender l’avenir.
« Diamond Eyes » affiche en effet un visage sombre, lourd, abrasif comme à l’époque glorieuse d’ « Around The Fur ». Le triptyque introductif, avec en son sein un « Royal » asphyxiant comme « Lhabia » en son temps, manifeste clairement de la direction choisie par le combo de Sacramento. Même constat plus loin avec le tonitruant « Rocket State » qui déboule en pleine lancée avec une puissance véritablement implacable. Choix contraire concernant les paroles qui se dirigent vers un contenu plus « fantaisiste », aux « images visuelles et non narratives », comme il fut autrefois le cas sur « White Pony ». D’ailleurs l’ombre de ce dernier plane aussi au-dessus de « Prince » dont la consanguinité royale avec un précédent « RX Queen » est plus qu’évidente.
Plus consensuelles, moins agressives, les accalmies de l’acabit de « Beauty School », « Sextape » ou encore « 976-Evil » gardent la trace pérenne des goûts de Moreno pour les constructions plus New Wave. Par contre, mais sans être totalement occultés, les bidouillages de Delgado très présents sur « Saturday Night Wrist » sont de leur côté moins mis en avant. Employées avec parcimonie, couplées à l’épaisseur des guitares, ses lignes synthétiques donnent un résultat toujours à la hauteur des anciennes productions à l’instar des deux réussites que sont « You've Seen The Butcher » et « Risk ». Enfin, c’est avec une émotion palpable que « This Place Is Death » viendra clore l’album de son empreinte mélancolique.
« Diamond Eyes » n’a pas la prétention de vouloir faire évoluer le style des californiens. Il est un album composé dans l’urgence qui s’en trouve plus spontané bien que ne souffrant pas pour autant d’un manque de fioriture. Il ne pointe pas non plus vers les sommets de la discographie de Deftones mais démontre quand même, si besoin en était, du talent probant d’une formation qui reste unit devant l’adversité, fidèle à son engagement artistique qu’elle tient depuis ses débuts.