Après deux albums références, Dio continue à tenir le rythme soutenu d'un album par an, et même si quelques tensions commencent à voir le jour au sein du groupe, c'est toujours le même line-up qui nous offre ce "Sacred Heart" attendu comme le messie. Le diable enchaîné des pochettes précédentes a laissé la place à un dragon, mais l'imagerie reste connectée à l'héroïc-fantasy, alors que le charismatique chanteur garde les rênes de la production.
Malheureusement, la magie qui opérait sur les deux premiers opus donne de sérieux signes d'essoufflement. Le son est plus sec et perd un peu en profondeur, ce qui donne en particulier moins d'amplitude à la guitare de Vivian Campbell. Quant à l'inspiration, elle semble s'assécher elle aussi. En effet, à trop vouloir reproduire une recette qui a fait ses preuves, Dio oublie d'y insérer une dose minimum de renouvellement, et ce ne sont pas les quelques œillades vers des sonorités plus FM qui suffiront à faire à nouveau monter la sauce. Bien sûr, "Sacred Heart" est loin d'être un mauvais album et il possède encore quelques pépites en son sein, à commencer par le titre éponyme qui pérennise la tradition du titre épique et puissant sur lequel Ronnie James peut faire preuve de tous ses talents de conteur. Mid-tempo oppressant au riff lourd et au refrain entêtant, il prend aisément sa place aux côtés des "Holy Diver", "The Last In Line", et autres "Egypt (The Chains Are On)".
D'autre part, le quintet est encore capable de servir quelques titres imparables comme l'introductif "King Of Rock And Roll", sorte de Heavy Rock'n'Roll sur fond de faux live et au refrain immédiat, ou encore, "Rock'n'Roll Children" et "Hungry For Heaven" qui s'enchaînent parfaitement en donnant une place plus importante aux claviers, ce qui leur confère une identité légèrement plus FM sans atténuer leur efficacité. Enfin, nous n'oublierons pas un "Fallen Angel" aussi direct que son coup de feu final et au riff accrocheur qui n'est pas sans rappeler Motörhead. Voilà qui aurait pu donner un nouveau grand album si le reste des compositions ne sonnait pas le déjà-entendu ("Like The Beat Of A Heart" et "Just Another Day" rappelant fortement "Straight Through The Heart" et "Evil Eyes"), ou ne manquait cruellement d'énergie et finissait par tourner en rond sans n'avoir jamais réellement décollé ("Shoot Shoot").
S'il a l'excuse de la difficulté de succéder à deux monuments du Heavy Métal, "Sacred Heart" n'en est pas moins une légère déception de la part d'un groupe déjà entré dans la légende et dont nous étions en droit d'attendre beaucoup mieux. De plus, il laisse entrevoir le tarissement de l'inspiration dont Ronnie James Dio et sa bande avaient toujours fait preuve jusque-là, ceci jumelé avec une interprétation d'où ne transfère pas toujours l'enthousiasme et le dynamisme présent sur "Holy Diver" et "The Last In Line". Cet album reste malgré tout de qualité, même s'il peut être à l'origine de quelques inquiétudes concernant une formule arrivant clairement en fin de cycle.