Les groupes issus de l’écurie ProgRock/Galileo sont étudiés à la loupe au sein de la rédaction tant le niveau des dernières réalisations révélait un potentiel élevé (Sky Architect, Jolly, This Misery Garden…). Dernière trouvaille du label, Framepictures est un jeune groupe portugais dont les membres sont à la base des musiciens de session plus portés sur le travail instrumental et qui ont embauché un chanteur pour sortir leur premier album, Remember It. Le concept de l’album est, comme souvent, une plongée dans les méandres de l’inconscient humain. L’absence d’originalité du concept se retrouve malheureusement dans la musique pratiquée par le quintet (une première originalité tout de même avec une femme aux claviers en la personne de Mafalda Brògueira) car on retrouve disséminées moult influences plus ou moins évidentes à Dream Theater (qui fait encore rêver les musiciens). Parmi les talentueux clones du groupe étalon américain, Framepictures fait partie des meilleurs élèves. Les quelques précautions d’usage étant posées rien n’empêche de prendre un plaisir certain devant une telle débauche de talent et de technicité.
Dès les premières secondes, le son et l’ambiance générale placent le disque sous l’auspice de Dream Theater. Les parties instrumentales (nombreuses) rendent comme du Liquid Tension Experiment et le guitariste Helder Da Silva sonne exactement comme John Petrucci. Le métal progressif pratiqué par les Portugais est très moderne et bourré de mélodies. On se laisse facilement porté par les compositions même si quelques longueurs se font sentir dans les morceaux de plus de dix minutes. Il faut un certain goût pour la complexité pour digérer cet album frôlant les 80 minutes.
Framepictures est une formation de musiciens de grande maîtrise dont le bassiste est peut être le membre le plus marquant. Ricardo Drumond nous rappelle au bon souvenir d’un Randy Coven avec son jeu épileptique et ultra présent. Il n’y a pas que Dream Theater qui soit glorifié dans Remember It. L’autre groupe cardinal américain de métal progressif, Symphony X, est plus que palpable sur l’introduction de "Call For Me". Heureusement Framepictures arrive à donner une autre saveur à l’ensemble du morceau.
En bon élève appliqué, Framepictures sacrifie à la composition à tiroir de 26 minutes. Le groupe semble s’attacher à entrer dans tous les canons du genre, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il gagne son pari. "My Will To Live" est un pavé qui ne laisse pas indemne. S’engager dedans, c’est comme visiter le musée du métal progressif américain : mélodies dans tous les sens, technicité affolante, breaks nauséeux et diversité des paysages sonores. C’est sur le terrain vocal que Framepictures peut faire la différence avec un chanteur comme Tiago Delgado. Le Portugais possède un timbre atypique (et donc qui ne plaira pas à tout le monde) sorte de croisement entre Perry Farrell (Jane’s Addiction) et Joey Eppard de 3. On a parfois l’impression d’une voix trafiquée, mais le résultat est très plaisant dans la grande majorité des compositions (notamment sur "Call For Me").
Remember It est un album très dense de métal progressif qui sort dix ans trop tard. Noyé dans une masse de groupes plus ou moins originaux en 2010, Framepictures aurait sans doute été porté aux nues fin des années 1990. Si vous deviez découvrir de quelle manière un groupe (Dream Theater) peut influencer les générations de musiciens, le cas de Framepictures ferait office de cas d’école. On ne peut pas enlever à ce jeune groupe un certain crédit concernant la composition de plusieurs séquences, même si des longueurs sont parfois à déplorer. Un des regrets aura été de ne pas entendre plus de sonorités lusophones dans cet ensemble qui reste très marqués par le son américain.
A l’opposé de nombreux groupes qui semblent condamnés à rester dans l’ombre de leurs brillants aînés, Framepictures montre à plusieurs reprises une patte qui n’appartient qu’à lui, portée par un chant singulier mais qui pourrait créer la dissension. Il manque peut être à cet album un léger supplément d’âme pour pouvoir se démarquer. C’est en tout cas un groupe à suivre de près.