Entre sa carrière solo et Europe, John Norum ne chôme pas en proposant un nouvel album sous propre nom. Le dernier en date, l'excellent "Optimus" sorti en 2005, a fait prendre au guitariste un tournant plus hard / heavy mélodique néanmoins fort bien maîtrisé. Seulement, en 2008, sa femme Michèle Meldrum décédait des suites d’une longue maladie. "Play Yard Blues" est d’ailleurs dédié à sa mémoire.
Rien qu’à la lecture de ce titre, d’ailleurs assez conforme au contenu qu’il est censé mettre en valeur, l’orientation musicale prise par le Suédois d’adoption s’éloigne très largement du champs d’action de son précédent album. En effet, John Norum s’implique avec une ferveur et un état d’esprit profondément ancré dans les années soixante dix, non loin des frasques qu’un célèbre guitariste natif de Belfast nommé Gary Moore allait remettre au goût du jour au début des années quatre vingt dix.
Voici donc un retour en force du rock blues électrique bien costaud aux entournures parfaitement mené par ce six cordiste renommé. Son phrasé très chaleureux s’inscrit dans la droite lignée des précurseurs du blues rock à l’anglaise, assez proche par l’esprit d’Eric Clapton lorsqu’il officiait dans Cream. Mais la comparaison avec Gary Moore est plus qu’évidente, notamment grâce à la technique utilisée par John Norum dont la filiation avec le hard rock demeure parallèle à celle de Gary Moore.
Seulement attention, John Norum n’est en aucun cas un clone du virtuose irlandais lorsqu’il se permet une incursion sur la grande terre du blues. Ce guitariste dispose de suffisamment de talent propre pour se frayer un chemin d’ailleurs bien défriché par une solide section rythmique. De plus, sa voix légèrement éraillée gagne en puissance et en profondeur, éléments aussi complémentaires qu’indissociables liés au blues rock énergique. En dix compositions fort bien menées, gravitant évidemment autour de la guitare surchauffée de John Norum, le power trio a invité le chanteur Leif Sundin à tenir le micro sur "Got My Eyes On You" et "Born Again", dont le contenu nettement plus orienté heavy / speed, à l’ancienne tout de même, se détache particulièrement du reste de l’album. Outre l’intensité et le feeling que dégage l’instrumental au titre éponyme qui clôture cet album, les musiciens se laissent aller au jeu des reprises, par si innocentes que cela car en adéquation avec les titres composés en majorité par le duo Norum / Tornberg.
En effet, quel plaisir de réentendre une version plantureuse de "Ditch Queen" originellement composée par Franck Marino et parue en 1982 sur l’énorme "Juggernaut", suivie immédiatement par un "Travel In The Dark" naturel et relativement proche de l’originale issue de "Nantucket Sleighride", deuxième album de Mountain datant de 1971. Autre morceau de choix, "It’s Only Money" de Thin Lizzy figurant sur "Nightlife" sorti en 1974, transpire le rock épais garni de riffs juteux nés de la période Scott Goram / Brian Robertson.
"Play Yard Blues" rayonne donc de soli débordant de feeling, parfaitement exécutés par un guitariste hyper doué. John Norum réussi là une entrée assez fracassante dans l’univers du blues rock où règnent de grands guitaristes certes moins connus comme Pat Travers, Tony Spinner ou encore Rick Derringer. Si ces noms prestigieux évoquent quelque chose à vos oreilles, cette dernière production dispose de tout ce qu’il faut pour la rendre quasiment indispensable.