Le rock n’en finit plus d’évoluer, de se métamorphoser et d’emprunter tous les chemins de traverse qu’il peut entrevoir sur sa route. Pour autant, si tout va de traverse, tout ne va pas de travers ! Au milieu de la diversité actuelle des styles, bien malin celui qui saura dire ce qu’est le rock : il s’est définitivement éloigné de ses racines blues, il a tant électrifié ses guitares que les reconnaître parmi les synthétiseurs devient parfois complexe, il a changé et est plus présent que jamais.
Prenons Lapko, groupe finlandais composé de Malja (Guitare et chant), Nordberg (Basse) et Heikkonen (Batterie). Nos trois jeunes gens s’inscrivent dans l’une des dernières tendances rockeuse : l’alternatif. Par alternatif, comprenez que personne n’arrive à mettre de mot sur le style pratiqué, et à dire vrai cela n’a rien d’étonnant. Trop bruyant pour être de la pop, trop pop pour être du métal, pas assez blues pour être du hard, trop court pour être du prog, trop travaillé pour être rock’n’roll… un véritable casse-tête !
A leur décharge, il parait de plus en plus difficile de sortir une galette dans les styles précités qui ne ploie pas sous le poids des références. A leur crédit, ce que fait Lapko est brillant et parfaitement maîtrisé. S’il fallait tout de même fixer un point de repère, nous pourrions placer le combo dans la lignée d’un Dredg, les amplis et l’overdrive remontés d’un cran. Ce qui vous surprendra sans doute dès les premières notes est la qualité des murs de guitares : parfaitement produit, ce "A New Bohemia" offre un son d’une clarté à toute épreuve, restituant à la perfection l’énergie déployée ou retenue.
Première salve donc avec "I Don’t Even Kill", véritable éventail des qualités du groupe. Mise en ambiance et choc des guitares vibrantes selon les codes du post-rock, voix claire révélant une belle sensibilité et laissant présager d’une force qui éclatera au fil du morceau, rythmique frénétique et terriblement jouissive, le tout pour une composition tout à fait originale et dont la maturité impressionne. A signaler un break et un pont dont l’harmonie et l’inventivité ne seront jamais prises en défaut : une formidable ouverture.
"King & Queen" enfonce le clou de manière plus classique mais tout aussi efficace, si l’on peut croire un temps à une baisse de régime, on constate bien vite que la créativité reste le mot d’ordre et que Lapko appartient à cette belle famille sachant faire beaucoup avec peu. C’est encore d’efficacité dont il est question avec "I Shot The Sheriff" et "A New Bohemy", où les guitares s’éclaircissent et les refrains se font plus pop : toujours impeccable. "Summer Nights" en deviendrait presque dansant, porté par la performance vocale magistrale toute en nuances de Malja.
Retour à une frange plus métallique avec "Horse And Crow" qui attaque bille en tête, le martelage en règle glissant avec extase sur nos tympans, la ritournelle finale en crescendo faisant passer le titre le plus long de cet album comme un éclair. On continue alors sur la voie d’une noirceur mélancolique avec "Please Need Me", carré et touchant, punchy et jamais larmoyant. Place au glorieux et aérien "Grab The Stick", avant que "Kiss’n’Cry" annonce un final tout aussi riche et que l’introduction. Et quel final ! Avec "Share Today, Lapko allie les énergies primales et atmosphériques qui sont les siennes pour une véritable élévation : simplement grand.
Les dernières salves ont été tirées et 42 minutes à peine se sont écoulées. Trop court diront certains, parfait peut-on affirmer : en faisant un effort de concision, Lapko parvient avec cet album à nous servir la quintessence de son art sans jamais s’essouffler ni lasser. Excellent album qui laisse présager du meilleur pour la suite, et si face au talent on se tait : mettez vos casques et appuyez sur play !