Parfois, lorsque le chroniqueur tourne ses oreilles et sa plume hagardes vers l’horizon musical, il distingue une brève mais vive lueur étinceler. Les spécialistes du paranormal auditif ont baptisé ce phénomène l’OMNI : l’Objet Musical Non-Identifié. Cycliques, ces évènements diffèrent par leur intensité mais surviennent à intervalles réguliers et attirent toujours l’attention des mélomaniaques en quête de nouveauté.
Vous l’aurez bien compris : Sendelica est un OMNI. Originaire du Royaume-Uni, la formation galloise propose un rock psychédélique teinté d’électro et d’atmosphérique, pour un résultat forcément avant-gardiste. Autre information d’importance, comme si cela n’était pas encore suffisant, c’est en improvisant que ces doux dingues composent. Entrer dans Streamedelica, c’est donc pénétrer dans un univers tout en nuances, vous bringuebalant de part et d’autre avec grande habileté, sans jamais savoir de quoi sera fait la prochaine note. Flirtant ostensiblement avec le chaos mais retombant toujours sur ses pieds, l’album peut se targuer d’offrir une unité sonore et conceptuelle méritant un premier grand coup de chapeau !
Il faut dire que Sendelica n’est pas tout à fait un nouveau venu sur la scène psychédélique, s’il en existe encore une. Avec Streamedelica le groupe signe en effet son quatrième album studio et sans aucun doute le plus abouti et le plus cohérent. S’entourant de nombreux guests et démultipliant les cordes, les cuivres et les samples, le noyau dur composé de Pete Bingham aux guitares, Glenda Pescado à la basse et Lee Relfe au saxophone semble désormais avoir trouvé son rythme.
Venons-en au cœur de notre sujet : l’album s’ouvre sur une introduction étrange, sorte de capharnaüm sonore n’ayant pas grand intérêt mélodique, mais faisant office de tour de chauffe pour la pléiade de musiciens réunie. C’est donc avec « Dream Mangler », deuxième titre et single choisi pour représenter l’album, que les choses sérieuses commencent. Emmenée par une ligne de basse hypnotique et imparable aux sonorités presque dub, l’harmonie se déploie autour d’un échange envoutant entre guitare et saxophone. Etincelant, mais pas encore le plus brillant…
La pièce maîtresse de cette offrande est en effet sans aucun doute la fabuleuse « Screaming And Streaming Into The Starlit Nite », reposant entièrement sur une nouvelle symbiose parfaite entre les arpèges simples et entêtants de la six-cordes tandis que le saxophone impose un crescendo hanté et fabuleusement habité, culminant dans un déluge de synthétiseurs : brillant !
Une pause ambiante s’impose alors, et c’est tout naturellement que nous nous laissons bercer par « Carningli », qui aurait pu s’immiscer sans rougir aux côtés des perles d’un Moon Safari made in Air. Une pause que l’on retrouvera d’ailleurs avec « Power Of The Sea » après l’ogre de ce Streamedelica : « Day Of The Locust », morceau bicéphale partagé entre rage électrique dans sa première partie et ambiant expérimental difficile à appréhender, mais toujours saisissant, dans un deuxième temps. OMNIesque, assurément.
« Spacehopper Blues » se révèle une conclusion agréable, revenant aux codes d’un « Dream Mangler » sans pour autant lui marcher sur les pieds, moins délirant à nouveau prenant. Prenant, à la seule condition que l’on ait adhéré aux titres précédents, et c’est là toute la problématique : un OMNI n’est pas morcelable, il est si unique qu’il ne peut donner lieu qu’à un jugement entier et tranché. Quelque soit votre opinion finale, une chose est sûre : il vous faudra accepter de regarder un moment vers le ciel pour vous la forger, en vous souhaitant bon voyage !