Pour son 4ème album studio, et près de 5 ans après son prédécesseur, Frogg Café voit revenir en son sein l'un de ses illustres fondateurs, en la personne de Frank Camiola. Pour ceux qui découvriraient ce groupe avec cette nouvelle production, il faut rappeler que Frogg Café est né sur les cendres d'un groupe de reprises de Frank Zappa, l'influence de ce dernier étant bien présente dans le jazz/prog/fusion proposé par le quintet (qui se retrouve aujourd'hui à 6 !) new-yorkais.
Le style étant jalonné, place maintenant à la musique et à Terra Sancta qui ouvre le bal sur une rythmique groovy chaloupée du meilleur effet, sur laquelle les instruments, et notamment les cuivres et le glockenspiel viennent tour à tour poser leur mélodie aux accents orientaux, le terme de mélodie étant toutefois à prendre avec des pincettes. Quelques riffs de guitares stridents viennent cependant régulièrement déchirer l'atmosphère somme toute plutôt langoureuse.
Après cette entrée en matière qui ne laissera personne au bord de la route, place ensuite à une musique beaucoup plus exigeante, dans laquelle la rythmique ne se conçoit pas sans la recherche du contre-temps et de la rupture, et où la mélodie ne se décline qu'en mode dodécaphonique, celui où les demi-tons chromatiques règnent en maître. Naturellement, le novice en la matière, et notamment celui habitué aux harmonies consonantes, aux rythmiques bien carrées et aux soli mélodiques en diable va se retrouver plus d'une fois dérouté, et ce d'autant plus lorsque Frogg Cafe s'adonne à la fusion, proposant alors des sonorités à la limite du soutenable pour des oreilles peu exercées (Pasta Fazeuhl ou encore Left for Dead).
Certes, quelques respirations, sous forme de passages chantés - pas toujours du meilleur effet d'ailleurs - ou encore de quelques harmonies plus dans la tonalité des théories musicales d'avant VS (avant vingtième siècle !) vont permettre à l'auditeur de se raccrocher aux branches et de continuer sa découverte d'une musique inspirée, passionnante mais également irritante par moment pour le novice.
Comme souvent dans ce style musical, les musiciens font étalage d'une technique hors-pair, ce qui semble la moindre des choses pour arriver à tenir sa partition dans ce décor et parvenir à terminer le morceau en même temps que les autres ! D'un autre côté, il arrive que cette technique prenne le pas sur l'émotion et la lassitude finit alors pas guetter l'auditeur le plus persévérant (Belgian Boogie Board).
Vous l'aurez compris, ce Bateless Edge est un disque exigeant, nécessitant une profonde attention pour parvenir à en déchiffrer les codes. Celui qui écoute de la musique pour se détendre et se procurer des émotions passera son chemin. A contrario, l'adepte de vibrations destinées à faire bouger les neurones trouvera ici une occasion rêvée de s'adonner à son exercice favori. Pour ma part, et pour justifier une note que d'aucuns pourraient trouver sévère à l'égard d'une production sans faille et sans gros reproche, je me situe plutôt régulièrement dans la première catégorie. Je laisserai finalement l'auditeur juger de la pertinence de mon jugement et trancher.