Il est bien rare qu’un jeune groupe parvienne, avec son premier album, à enfanter une réussite telle que le chroniqueur, légèrement abasourdi, ne puisse avoir d’autre choix que d’immédiatement se plonger dans une seconde écoute ; histoire de vérifier que, non, il ne s’agissait pas d’hallucinations ! Devious eXperiment of Synesthesis (DXS) appartient à cette catégorie. Et, pour ne rien gâcher, le quintet, formé en 2007 à Cannes, est membre du collectif de métal progressif Discordance, aux côtés de quelques pointures nationales telles que Spheric Universe Experience ou Anthropia. Voilà déjà de quoi donner un petit aperçu du propos musical de Catharsys, qui se précisera en ajoutant qu’une jeune femme, Alienor Colin, officie au chant.
Il est temps de s’immerger un peu plus dans les sept morceaux qui composent cet album à plus d’un titre surprenant, et en dernière analyse indubitablement remarquable. Dès Mirror of Terror, le ton est donné : un véritable labyrinthe rythmique s’offre à nos sens rapidement submergés par une débauche de riffs, de motifs virevoltants intercalés entre deux agressions guitaristiques, tandis que le batteur s’ingénie à multiplier les breaks tentaculaires. Fort heureusement, le chant et d’amples arrangements au clavier déploient une assise mélodique sur laquelle s’épanouissent les refrains, mais aussi les grunts du bassiste Alexandre Ardisson, manifestement à l’aise dans cet exercice qui, couplé à un jeu de batterie explosif, entraîne le morceau vers les terres ensauvagées du black métal.
Les trois morceaux suivants développent une esthétique singulière, à mi-chemin entre le métal progressif le plus pur et un black métal qui ne dit pas son nom. Cette tension n’est nulle part plus présente que dans Synthetic Affective Disorder, et est essentiellement due à deux instrumentistes, Olivier Blin à la batterie et Jean-Michel Denizart aux claviers. Ce dernier permet de diversifier les couleurs comme les climats, substituant ainsi à l’impératif progressif de complexité structurelle des variations plus locales ancrées dans la variété des timbres (piano, orgue, cordes, synthétiseur) et la nature de ses interventions ; quant au premier, en sus de variations et cassures rythmiques systématiques, il axe son jeu sur de furieux blast-beats qui semblant parfois intervenir à contretemps, sinon à contre-emploi, ouvrent un espace paradoxalement aérien dans une partition globalement agressive.
Pour le reste, Catharsys pourra paraître plus classique, mais pas moins prenant. Il ne se trouvera certainement personne pour reprocher au groupe un défaut de technique, cette dernière étant assurément maîtrisée, autant dans les nombreux soli que dans les cascades de riffs, qui évoquent pêle-mêle Venturia, Adagio, Dream Theater ou Dimmu Borgir. DXS maîtrise à merveille l’art des mélodies, que la chanteuse, de sa voix chaude, puissante, tour à tour lyrique et agressive, n’est pas seule à assurer ; les musiciens ne se contentent pas d’accompagner le chant, ils le portent, le doublent, lui ménagent d’amples plages plus apaisées ou au contraire l’assaillent de toute part sans pour autant le reléguer au second plan. Cette osmose parfaitement réussie ne fait certes pas oublier quelques morceaux plus faciles, tels Psychotic Depression ou Catharsys, qui compte trop sur l’inventivité rythmique du batteur et sur un unique motif musical, certes percutant mais dont abusent claviériste et guitariste. Mais Amnesia, Aphasic Agony et Nocturnal Phobia, en déployant une grande qualité d’écriture instrumentale, notamment pour la basse et le piano, sans parler des interventions technoïdes et piquantes, ou au contraire vaporeuses et aériennes, du clavier, confirment sur la longueur ce que le troisième titre manifestait avec éclat.
Catharsys est décidément, pour un premier album, une réussite manifeste. Il y a fort à parier que nos cinq Français n’en resteront pas là, et souhaitons qu’ils nous proposent rapidement une suite à ce qui constitue l’une des découvertes les plus excitantes de cette première moitié d’année !