Parce que cet album a tout d’abord été proposé en téléchargement gratuit sur le site internet qui lui est dédié, il ne faudrait pas que vous pensiez qu’il s’agit d’un produit au rabais mouliné à la va-vite. De la part de Jon Schaffer, musicien à la personnalité affirmée (il y en existe encore) et qui n’a pas pour habitude de se moquer de ses fans, cela aurait été surprenant.
Profitant de la pause que s’est octroyé son principal port d’attache, Iced Earth, groupe dont il est l’incontestable capitaine, le guitariste a décidé de monter un nouveau projet au concept intéressant et louable. En effet, Sons Of Liberty n’est pas seulement de la musique, il se veut aussi une réflexion sur l’histoire et le monde d’aujourd’hui en même temps qu’un moyen de toucher les consciences des fans à travers des textes engagés fustigeant par exemple la corruption politicienne, ou l’esclavage et les multiples liens (vers des livres notamment) présentés sur le site web.
Mais au-delà de cette entreprise ambitieuse, ce qui frappe surtout avec Brush-Fires Of the Mind réside dans le travail abattu par Jon Schaffer. Ce dernier ne s’est ainsi pas contenté de composer, produire et jouer guitare et basse selon son habitude mais il en a aussi assuré toutes les lignes de chant ! Le titre "Stormrider" avait déjà illustré cette qualité ; cela restait néanmoins anecdotique. Or, on découvre avec cet album un très bon chanteur, dont le timbre n’est pas sans rappeler celui de Matt Barlow. Cette proximité permet d’ailleurs de mesurer combien ce dernier, davantage que son éphémère remplaçant Tim Owens, se fond à merveille dans les lignes vocales composées par le guitariste au sein de Iced Earth.
Les similitudes entre les deux groupes ne s'arrêtent pas là, à tel point qu’il serait tentant de s’interroger sur l’utilité de Sons Of Liberty par rapport à son aîné. Au moins, Demons & Wizards, qui réunissait l’Américain et Hansi Kürsch, avaient su dépasser la simple addition Iced Earth + Blind Guardian. De fait, du mur rythmique qui s'érige à grands coups de riffs implacables jusqu'à ses harmonies vocales, ce premier opus porte clairement la signature Schaffer, signature dont il ne se départira sans doute jamais. De nombreux titres auraient très bien pu se glisser dans le menu d’un disque de la Terre Glacée, tels que le gigantesque "Jekyll Island", qu’ouvre une ligne de basse très maidenienne, ou bien les ballades et autres mid-tempo ("Feeling Helpless ?", "Our Dying Republic" et ses airs de "Melancholy").
Mais, en renouant avec une forme de simplicité, de pureté dans son traitement du heavy-métal ("Don’t Tread On Me"), Jon devrait séduire ses admirateurs de la première heure qui ont pu regretter le virage plus mélodique et parfois franchement orchestral qu’il a fait prendre à Iced Earth depuis ces dernières années. Bref, Sons Of Liberty n’est pas "Gettysburg" (The Glorious Burden), composition au demeurant grandiose bien que trop éloignée de la sobriété tranchante des débuts.
Collection de morceaux tous aussi imparables les uns que les autres, Brush-Fires Of The Mind est une excellente surprise, œuvre totale, livrée par un artiste, un vrai, certes parfois contesté (le pauvre est républicain), mais sincère et talentueux.