Après le succès de leur premier album en Australie, Karnivool était attendu au tournant par nombres de mélomanes. Ce jeune groupe australien avait réussit le pari d’allier la performance artistique à la prospérité commerciale dont peu de groupes peuvent se targuer. On peut rapprocher ce cas d’école à celui, américain, de Tool qui propose une musique très complexe tout en vendant des disques par palettes. Le groupe de Maynard n’est pas anodin dans la comparaison, puisque Karnivool se rapproche fortement de Tool et le nouvel album Sound Awake, déjà sorti depuis 2009, en fait la démonstration nette et précise. Struck, dans sa chronique de Themata, insistait, avec raison, sur le côté mélodique, parfois popisant de la musique du quintet avec cette propension à créer des structures denses et parfois hermétiques. L’originalité de ce groupe réside dans cette contradiction et Sound Awake se place dans la droite ligne de cette caractéristique en allant encore plus loin dans la direction d’un rock alternatif parfois post rock.
Dès les premières secondes de "Simple Boy", la basse puissante de Jon Stockman retentit pour un titre lent, pachydermique qui distille une sève amère aux mélodies fines et aux harmonies vocales sucrées. nous retrouverons la même cohérence tout au long de cet album très long et parfois difficile à digérer. Mais tout comme Tool, cette musique impose une certaine patience pour pouvoir être percée. Certains auront la sensation de toujours entendre le même riff, la même rythmique, et ils auront en partie raison. Car cette réalité ne doit pas faire oublier les moments de lueur mélodique qui pointent ici ou là, au détour de l’énergie brute dégagée par ce jeune groupe. On pense souvent à Oceansize pour le travail aux deux guitares et un titre comme "Goliath" aurait largement pu apparaître sur un disque de la bande à Mike Vennart.
Le côté alternatif se retrouve notamment dans la longue suite "New Day" qui prend tout son temps pour nous exploser à la figure avec de vrais moments de pur génie en milieu de morceau. Sur ce genre de titre, Karnivool se rapproche de ses compatriotes de The Butterfly Effect (on retrouve le même producteur pour les deux groupes en la personne de Forrester Savell) avec un jeu de guitare crunch et beaucoup de delay. Karnivool alterne les morceaux lents et les moments de pure énergie ("Set Fire To The Hive") avec des sommets atteints à l’occasion de "Illumine" notamment qui met en valeur toute la qualité des chœurs et du chant de Ian Kenny.
Si Karnivool sait se faire très pop avec "All I Know", il inflige une leçon de complexité sur les deux derniers titres "Deadman" et "Change" avec plus de 22 minutes de musique dense et parfois difficile d’accès. Pour finir rendons hommage à la section rythmique qui est particulièrement mise en avant. Les guitaristes Drew Goddard et Mark Hosking sont plus discrets avec presque aucun solo à proposer et un rôle qui se cantonne à booster la musique quand Karnivool se veut puissant, ou à occuper l’espace sonore avec des arpèges souvent agrémentés d’effets le reste du temps.
Karnivool confirme tout le bien que l’on pensait de leur premier album avec Sound Awake. Il semble que les Australiens aient franchi un palier dans la complexité avec un album encore plus dense que Themata, et donc plus difficile à pénétrer. Cela ne semble pas avoir découragé les fans car cet album s’est mieux vendu que le précédent. Tout semble sourire à ce groupe qui sait déjà allier vente de disque et vrai personnalité avec apparemment aucune concession sur la direction artistique choisie par le groupe.