Qui fera encore progresser le progressif ? En voila une bien belle question de dissertation pour les facultés de musicologie ! Chapitre 1 : progresser c’est facile quand on part de rien. Exemples : King Crimson, Yes, Genesis... Chapitre 2 : progresser c’est facile quand on a des nouveaux jouets et d’illustres aînés. Exemples : Marillion, IQ… Chapitre 3 : progresser c’est facile quand on joue de plus en plus fort. Exemples : Dream Theater, Porcupine Tree… Chapitre 4 : progresser c’est difficile quand tout a été fait.
Et voila où nous en sommes. Mais tout a-t-il vraiment été fait ? A première vue oui, puisque même Vangough n’est plus un nouveau venu. Créé, incarné et animé par M. Clay Withrow et… M. Clay Withrow, l’homme se chargeant de l’intégralité des instruments, batterie mise à part, la « formation » made in Oklahoma nous avait déjà gratifiés en 2009 d’un excellent et très travaillé "Manikin Parade". Nous attendions donc avec une impatience non feinte celui qui avait réussi à créer un courant d’air frais dans la maison prog. Première réaction : un an, c’est court… mais après tout, pourquoi pas ?
Nous nous lançons donc à la découverte de ce "Game On" si promptement composé, et là : surprise ! En matière conceptuelle, le progressif nous a habitués à des bizarreries rares, un certain Devin T. nous servant par exemple l’histoire d’un extraterrestre friand de caféine, mais nous nous y retrouvons généralement sur le plan musical. Or ici le concept EST musical, Clay décidant en effet de rendre hommage aux jeux vidéo qu’il admira jadis, le « jadis » n’étant pas galvaudé, puisqu’il s’agit ici de disquettes extraites de sa Nintendo 64 et ressorties du placard. Amateurs de Castlevania, Mega Man, Wave Race 64 et autre Super Mario Bros ou Sonic, réjouissez-vous : vos protégés ont été métallisés ! Reste à savoir s’il s’agissait là d’une bonne idée.
Premier essai avec Mega Man 2 pour un "Wily’s Castle" 100% bio-ionique au premier coup d’oreille. En effet, si le premier album de Vangough était passé entre les mains expertes de Sterling Winfield, producteur de Pantera, force est de constater que le son synthétique de "Game On" n’est pas de son fait. La batterie, instrument subtil et délicat s’il en est, mais que ne maîtrise pas l’ami Clay, est ainsi plate et creuse à souhait. Les autres instruments sont globalement mieux traités, le côté plastique devant plus être attribué aux sonorités recherchées qu’au jeu lui-même. Bref, pour en revenir à "Wily's Castle", il s’agit d’une guillerette cavalcade très vite oubliée.
Et ce n’est pas la seule. N’étant pas adepte de la plupart des jeux ici cités, je dois bien avouer que l’hommage me paraît plus abstrait. On reconnaît pourtant bien les gimmicks rituels qui ont guidé nos pas dans tel ou tel tunnel, plaine désertique, couloir en métal… mais sans être bouleversé par ce voyage sans manette. "Marine Fortress" tombe à plat, "Simon’s Revenge" s’envole doucement grâce à quelques soli et un bon final épique, "Your Darkest Hour" agace avec sa litanie molle, "The Turtle King’s Lair" retombe à plat, "Green Hill Terror" n’a de Sonic que l’inspiration, etc... Arrêtons ici le découpage, car il semble évident que sans accroche affective, l’écoute ne puisse être que longue et pénible. On pourra toutefois retenir un "Coral Capers" très apaisant, conclusion qui laisse songeur sur les vertus symphoniques réelles ou supposées du ludique virtuel.
Nous tirerons donc deux enseignements de cet album. Le premier est qu’on n’a jamais fini de progresser, quand bien même les expérimentations sont plus ou moins couronnées de succès. Le second est qu’il n’est pas forcément agréable de tomber sur un album de transition mettant à jour une facette d’un artiste apprécié que l’on aurait préféré ignorer. Il est temps désormais pour Clay de lâcher ses jeux vidéo et de reprendre le chemin du studio pour, qui sait, progresser à nouveau.