Witche's Brew, ou plutôt comment un trio transalpin loin d’être né d’une hypothétique dernière pluie forte en décibels peut se permettre, grâce à l’entremise du toujours dynamique et respectueux label Black Widow, une première incursion en studio qui a toutes les chances de marquer de son sceau le rock indomptable et sauvage tel qu’il fût montrer du doigt par des communautés bien pensantes au début des années soixante dix.
"White Trash Sideshow" ressuscite cette atmosphère de débauche et d’irrévérence grâce à un savoir-faire indéniable notamment dû au passé riche en expérience grunge et psychédélique du guitariste Mirko Bosco au début des années quatre vingt. Extrêmement bien entouré par une section rythmique à faire pâlir un guerrier africain en pleine chasse aux lions, Witche's Brew sait non seulement faire parler la poudre mais aussi la faire péter sous les augures d’une production cent pour cent "live" délivrant par le fait un son lourd, gras et bon flirtant sans vergogne avec le Stoner.
Il s’ensuit bien entendu une déferlante de onze titres dont certains, et non des moindres, sont uniquement disponibles sur la version CD qui rivalisent de riffs ultra puissants prêts à décorner un buffle parfaitement illustré par le premier morceau "Stone Cold Killer". La slide apposée par petites touches impose un concept aux forts relents sudistes qui enfoncera le clou notamment sur "Dusk Till Dawn" littéralement taillé à la tronçonneuse. Et comme si tout cela ne suffisait déjà pas à réjouir des pavillons auditifs aguerris, des morceaux comme "The Mission" et "Seas Of Shame" voient un B3 cracher son souffle aux confins d’une ambiance psychédélique digne d’un Hawkwind de la grande époque.
Alors bien sûr, l’aura des années soixante dix est belle et bien présent sur la totalité de "White Trash Sideshow". Une orgie électrique aussi prolifique et puissante que "Double Trouble", présent sur le CD et non en téléchargement, ne fait que renforcer cette prestance sonore graisseuse et poisseuse qui finalement met un point d’orgue à cette conception très personnelle jetée en pâture par un power trio particulièrement convaincant. Même si la voix rocailleuse du bassiste / chanteur Mirko Zonca peut quelques fois décontenancer car souvent aux frontières de l’audible, la performance délivrée n’en demeure pas moins d’une qualité assez hors norme. Car il n’est pas ici question d’un joyeux bordel plus ou moins organisé, mais avant tout d’une prestation jouissive et explosive qui se répand comme le venin d’un crotale, avec toutefois une fin nettement plus heureuse. En ce sens, "Rebel Goon Blues" remet les points sur les "i" en se concentrant un medley fumant d’artistes issus des années soixante dix avec en tête Jimmy Hendrix, les Floyd et Mountain.
"White Trash Sideshow" résonne donc non seulement en forme d'hommage aux groupes pionniers des seventies qui jouaient très forts, comme Blue Cheer ou bien encore Mountain (le bassiste de l’époque Felix Pappalardi en est d’ailleurs devenu complètement sourd) mais également comme un véritable chaînon manquant entre différents styles heureusement toujours d’actualité, comme le Stoner et le Hard-Rock bien gras aux entournures. Il en résulte un premier album totalement maîtrisé, atypique, hypnotique et solide comme un roc sévissant dans le désert depuis des milliers d’années. Cette galette n’a pas d’autre but que faire découvrir ou redécouvrir cet aspect du rock brutal et dédaigneux au sens large de ces termes. Et il faut bien reconnaître que sur ce point crucial, Witche's Brew est une formation tout simplement incontournable.