Les années 1990 ont été assez désastreuses pour le lutin du heavy métal, Ronnie James Dio. En effet, de "Lock Up The Wolves" à "Angry Machines", son parcours discographique ressemble plus à une lente descente aux enfers qu’à un chemin vers le retour à la gloire passée. On se demande en ce début des années 2000 si notre homme saura rebondir après déjà pratiquement 40 ans de carrière, et éviter une retraite somme toute méritée. Mais Dio n’est pas homme à se rendre aussi facilement. Déjà, le live sorti en 1998 avait montré un chanteur encore largement au niveau et toujours prêt à en découdre sur de longues tournées. Début 2000 déboule donc son 8ème disque solo, "Magica", qui se veut un complet retour aux sources, loin des expérimentations modernistes des deux albums précédents.
Première bonne chose, il a renouvelé son line-up. Exit Tracy G, remplacé par Craig Goldy qui avait déjà joué avec Dio sur "Dream Evil". Jimmy Bain revient à la basse alors que l’excellent batteur Simon Wright est également de retour. Seul le clavier Scott Warren conserve sa place. "Magica" se présente comme un concept album d’héroïc-fantasy assez classique, longuement conté dans le livret et aussi en dernière piste sur plus de 18 minutes. Et même s'il reste inférieur aux grands disques des débuts, cet opus est un véritable petit bonheur. En retrouvant ses vieux compagnons de route, Dio se retrouve également musicalement. Le tout est heavy, puissant, sombre mais aussi épique et prenant tout au long des 14 pistes.
Construit avec une introduction, une conclusion et des interludes, comme tout bon concept album, "Magica" présente 9 titres dont certains sont clairement les plus inspirés qu’il ait composé depuis bien des années. Certes il subsiste quelques faiblesses ici et là, certains titres servant un peu de remplissage, mais dans l’ensemble le tout est largement au-dessus de n’importe quels titres des deux derniers albums. Nous trouvons d’abord deux titres introductifs, dont un "Magica Theme" assez grandiose, à la fois épique et rempli de feeling par la grâce d’un seul riff de guitare. D’ailleurs en un riff, Goldy fait facilement oublier Tracy G. Puis déboule le premier gros titre de l’album, "Lord Of The Last Day", superbe composition à la fois épique et heavy, digne de Black Sabbath, et sur lequel Dio fait preuve d’une classe énorme. Cette bonne impression se confirme avec "Fever Dreams" qui est un brûlot heavy métal, digne de la grande époque avec un excellent riff de guitare, un très bon refrain et une batterie bien mise en valeur. Il s’enchaine ensuite directement avec "Turn To Stone", autre titre très 80’s dans l’esprit, peut être moins imparable mais qui fait quand même plaisir à écouter, avec notamment un break central très bien chanté dans l’esprit d’un Queen.
Après cet excellent début, "Feed My Head", même s'il est bien inscrit dans le concept du disque, est un peu lourd et décolle difficilement, tout comme "Challis" qui a un peu de mal à passionner malgré un chant au top et un bon refrain. Malgré tout, il reste de bonnes choses dans ce milieu d’album. "Eriel" tout d’abord, grand titre épique rappelant l’époque "Holy Diver" avec un début tout en nuance et en gravité, une belle montée en puissance, et encore un chant immense, à la fois sombre, épique et puissant, montrant un Dio particulièrement inspiré et vivant ce qu’il chante avec une force rare. Et puis il y a la grande ballade de l’album, voire même une des plus fortes et émouvantes de Dio: "As Long As It’s Not About Love". Ce titre, qui évoque fortement les grands du même genre de Rainbow, est clairement une réussite à tous les niveaux. Dio donne le frisson avec cette chanson, tant elle est gorgée d’émotion et de feeling, digne d’un "Stargazer", et que l’on écoute avec recueillement en repensant à l’immense chanteur qu’était Ronnie James Dio.
La fin du disque propose 5 pistes pour 2 seuls véritables titres. Ceux-ci, sans atteindre le même niveau que précédemment, se laissent apprécier. Nous retiendrons surtout "Losing My Insanity" pour son début folk et son ton général heavy très sympathique et parfaitement porté par un excellent riff et solo de guitare. L'ensemble se termine, outre l’histoire de "Magica", par un retour au thème d’entrée version chantée, et un court extrait de "Lord Of The Last Day" comme pour mieux boucler la boucle.
"Magica" est donc clairement un bon album de Dio. Il est même assez inespéré après tant d’années de disette artistique, car même sans être appelé à devenir un classique du lutin, il contient largement de quoi rassurer et contenter les fans. Dio en tout cas réussit pleinement son entrée dans les années 2000 et prouve qu’il faudra encore et toujours compter avec lui.