En provenance des USA, les cinq membres d'Elysium Theory viennent d'accoucher d'un premier album bien équilibré entre inspiration mélodique et technique instrumentale. Comme bon nombre de musiciens américains, les cinq hommes connaissent bien leur affaire. Pas franchement ancré dans le métal progressif, "Modern Alchemy" contient pourtant quelques morceaux à classer dans le genre, mais possède aussi une couleur AOR, et des sons plus proches du néo-progressif… Nous pourrons faire le parallèle avec le groupe canadien Mystery, bien que la musique soit sensiblement différente (pas d'influences de Yes ici). La plupart des morceaux sont très dynamiques, malgré quelques passages calmes, les rythmes sont souvent rapides et sautillants (le batteur Ted Feeney n'est pas avare de roulements et remplit beaucoup l'espace sonore).
"Lorimer's Pulse" est une intro idéale pour susciter l'intérêt de l'amateur de rock progressif : les instruments se rajoutent les uns après les autres : piano, synthés futuristes, apparition des percussions de plus en plus rapides et enfin des guitares. La tonalité mystérieuse, une sorte de suspense sonore qui se retrouvent ici et là, sont fort bienvenus pour les connaisseurs plus ou moins blasés qui ont tendance à deviner ce que leur réservent bon nombre de morceaux dits "progressifs". Ainsi, le morceau "Modern Alchemy", qui est enchaîné avec l'intro, semble évoluer d'emblée vers le métal progressif, mais pourtant, il recèle des couplets au piano et sans percussion, avec seulement une certaine tension sous-jacente. Le titre suivant commence par un mélange de synthés que l'on dirait tout droit sortis d'un album de space-rock, avec des bruitages électroniques… et lorsque le chant entre en scène, ce n'est pas dans une explosion sonore mais sur un couplet subtil et toujours empreint d'une certaine tension, avec arpèges de guitare cristallins et orchestration de synthés légèrement menaçante. Le rythme finit par s'accélérer brièvement tandis que les guitares deviennent plus saturées mais la suite laisse pourtant ressurgir des moments plus doux, jusqu'à la conclusion empreinte de la lenteur du début. En 7:36, sans véritable révolution, c'est un petit voyage vraiment progressif au sens strict du terme.
Le groupe cultive donc le contraste au lieu du barrage sonore, trop souvent de mise dans le métal progressif. Pourtant, "Chaos" démarre avec un riff très lourd et une batterie furieuse… Le groupe vire-t-il au métal pur et dur, cette fois ? Pas complètement : en effet, les passages agressifs alternent avec des sections chantées plus mélodiques et non typées métal, encore une fois !
Le chanteur Dan Peterson possède une voix claire et puissante, qui n'est pas sans rappeler à l'occasion James LaBrie et aussi Dennis DeYoung (Styx), mais avec un timbre plus medium. Il se réenregistre souvent sur plusieurs pistes pour produire des effets de chœurs et de contre-chant mais ses mélodies ne sont pas toujours évidentes, comme sur "Beyond Yourself" et "The Source" où peuvent apparaître quelques discordances entre ses lignes vocales et l'accompagnement instrumental. Un peu de réverbe supplémentaire ne lui ferait pas de mal non plus.
Tim Reid n'abuse pas des soli démonstratifs mais sait pourtant se lâcher sur le manche. A la limite, on aimerait l'entendre davantage et c'est sur des morceaux plus généreux en parties instrumentales, comme sur le final "Intrigued By Faith", qu'il montre tout son talent.
Comme déjà énoncé plus haut, ce n'est pas seulement sur le plan des structures mais aussi au niveau sonore que le groupe cultive le contraste. Benny Reyes utilise un mélange de claviers traditionnels (pas mal de piano, cordes synthétiques, orgue) mais aussi, de temps en temps, quelques sons futuristes voisins de ceux utilisés dans les années 70/80 chez Pink Floyd et Tangerine Dream ou Hawkwind (partie centrale de "Russian Winter", par exemple). C'est une petite touche légèrement originale, comparé à la plupart des groupes dits "néo-progressifs"… probablement un aspect à développer.
La production de ce premier disque est correcte, sans être exceptionnelle, cependant… Elle manque un peu de clarté et surtout de profondeur. Il arrive aussi parfois que la batterie soit mise trop en avant avec la voix, au détriment des claviers et du reste d'ailleurs ("Beyond Yourself"). Mais il s'agit d'un premier disque, entièrement autoproduit, donc il y a fort à parier qu'avec l'expérience, les cinq hommes corrigeront ces petits défauts. Reste que "Modern Alchemy" représente un effort intéressant et qu'Elysium Theory est un groupe à suivre, sans nul doute.