Le cas de Periphery est des plus intéressants : démarré en mode comme à la maison par Misha Mansoor, Mauricien d'origine, il y a déjà de nombreuses années, le groupe n'a longtemps été qu'un projet de celui qu'on appelle Bulb. Pas spécialement impatient de rentrer dans une grosse maison, il diffuse sa musique sur Internet (les pistes sont toujours sur Soundclick, faites-vous plaisir !), sous forme de démos instrumentales la plupart du temps. Ces titres sont aujourd'hui, 4 ans plus tard, l'œuvre d'un groupe complet, emmené par le même Bulb et distribué sous nos latitudes, ironiquement, par le mastodonte Roadrunner. Un heureux terme à cette introduction, et un incroyable premier pas dans la cour des grands.
Attention, disque à ne pas rater ! Deuxième paragraphe, le verdict est lâché sans hésitation. Une seule écoute (pas toujours facile – j'y reviens) suffit à se rendre compte d'une chose : Periphery, c'est bien. Au départ, on se dit que c'est la production (moderne, fine et puissante) qui accroche l'oreille. Puis on se prend un refrain en béton ; puis c'est au tour d'une partie polyrythmique de cinglé... 72 minutes plus tard, on repose le casque avec un soupir de contentement. Un groupe de métal qui innove, finalement, ça n'arrive pas si souvent.
Sur des bases meshuggesques en diable, auxquelles sont apposés des éléments rappelant Sikth ou encore The Dillinger Escape Plan, Misha Mansoor laisse exploser son mathcore pop et groovy, débordant de feeling. Le souvenir des démos s'estompe de morceau en morceau, disparaissant écrasé sous ce rouleau-compresseur sonore. Quelle pêche ! Techniquement, le niveau est très élevé mais le jeu des musiciens respecte la musique, et ne cherche pas à trop en faire, partout, tout le temps. Les trois guitaristes, en particulier, exhibent une osmose incroyable. A ce titre, le morceau final (long de plus d'un quart d'heure) est un véritable hymne à l'instrument. Globalement, et hormis le chant, la guitare est l'élément le plus frontal sur l'album, le plus présent aussi. Pour l'anecdote, sachez que l'oncle de Jake Bowen est guitariste lui aussi, un certain John P. pour ne pas le citer ! Ca doit être dans les gênes...
Mais malgré tous ces compliments, cette première fournée en fusion n'échappe pas aux erreurs de jeunesse, la première et plus grave d'entre elles étant probablement la durée de l'album lui-même. Plus d'une heure dans le tambour de la machine à laver le métal, c'est long, et plutôt épuisant. Le jeu en vaut certes la chandelle, mais l'écriture connaît quelques cahots ici et là ("Zyglrox" et Ow ! My Feelings" par exemple, démos originellement sympathiques mais aux versions finales franchement pas utiles). Il faudra de la patience et de bonnes intentions pour avaler les 13 pistes intégralement à chaque écoute.
Impossible également de ne pas émettre une réserve sur la qualité des vocalises de Spencer Sotelo qui, tout accrocheur qu'il soit, finit par avoir des faiblesses lui aussi, sombrant occasionnellement dans une mièvrerie banale et pas très engageante. Le fait d'avoir tant exposé sa voix au sein du mix est également malvenu, puisqu'un auditeur pas vraiment client de ce type de chant aura énormément de mal à apprécier l'album à sa juste valeur... et quelle valeur pourtant !
Pour conclure, Periphery fait ici forte impression avec ce premier opus en forme de pavé dans la mare du métal moderne. Voilà un groupe qui, enfin, n'usurpe pas cette appellation. Il sera certainement passionnant de partager leur évolution désormais. A suivre, de très près !