"Cultösaurus Erectus" sort un an après un "Mirrors" contesté, montrant un Blue Öyster Cult confirmant le virage pris vers un hard rock très mélodique, oubliant les aspects heavy et sombres des débuts. Et si "Mirrors" montrait quelques qualités et titres valables, il n’en était pas moins très éloigné des standards habituels de composition du groupe. Comme pour rassurer des fans inquiets et faire face à une nouvelle concurrence heavy qui monte, le BÖC va se donner un grand coup de fouet et composer l’une de ses plus belles œuvres, à la fois mystérieuse et envoûtante, et particulièrement heavy. Il faut dire qu'il est allé chercher Martin Birch (producteur de Deep Purple, Rainbow, Whitesnake) et que notre homme va lui donner le son qu’il mérite, à la fois puissant et clair, mettant en avant la basse et les claviers, au même niveau que les guitares et parties vocales de Bloom et Dharma.
Il en résulte un disque sombre et étrange, à la pochette fascinante et mystérieuse, composé de 9 titres pour 40 minutes. A l’écriture, le groupe s’est un peu dispersé, les clans en son sein sont très forts avec d’un côté Bloom et Dharma qui écrivent quatre titres avec la participation aux paroles de l’écrivain Michael Moorcock et de Richard Meltzer. De l’autre côté, les frères Bouchard qui proposent quatre autres titres. En fait un seul est signé en commun, signe clair de certaines divergences. Et pourtant le résultat est absolument énorme et imparable, digne de la trilogie initiale du groupe. "Cultösaurus Erectus" est une œuvre majeure du BÖC avec des titres grandioses et variés, entre heavy métal pur et dur, rock FM mélodique, hard rock classique et même passages carrément psychédéliques. Le tout est emballé dans des paroles sombres et profondes, inspirés par la science-fiction et l’occultisme donnant au tout une profondeur et un mysticisme certain.
La première partie présente 4 titres de très grande classe commençant par un "Black Blade" redoutable, titre dont le texte très soigné a été écrit par Moorcock et qui est une perle de heavy glacial avec une basse très bien mise en valeur et une atmosphère sombre à souhait. Le tout est magnifié par le chant d’Eric Bloom, à la fois épique et habité, et une fin très déjantée illustrant à merveille le thème du titre. Vient ensuite un "Monsters" complètement fou, mélangeant hard-rock et jazz avec une classe folle, la basse y est à l’honneur, donnant un aspect groove, avec de plus des passages psychédéliques pendant un break parfaitement maîtrisé. Cette première partie se termine avec un excellent "Divine Wind", splendide ballade épique de Buck Dharma à l’atmosphère nonchalante et lancinante grâce un riff principal omniprésent, ainsi qu'un très bon "Deadline", titre très représentatif de la facilité de Dharma à composer des titres FM instantanés et inspirés avec refrain imparable et chant très mélodique.
La deuxième partie commence avec "The Marshall Plan", seul morceau composé par le groupe en commun, titre de hard classique avec hommage au "Smoke On The Water" de Deep Purple, qui tranche un peu avec le reste car largement moins original et sans la touche mystique. Mais la fin du disque rattrape tout cela avec encore quatre titres monstrueux de feeling et d’énergie. De "Hungry Boys", court et encore complètement fou avec un petit riff bien rock et des vocaux assez pop très originaux, à "Fallen Angel" et son rock mélodique, puis à "Lips In The Hill" et "Unknow Tongue" il n’y a rien à jeter. Ces deux derniers sont dans le ton sombre et étrange du disque, le premier montre de plus un aspect rock’n’roll assez irrésistible, tandis que le second est une pépite de heavy sombre et lugubre. Le chant de Bloom, lancinant et vicieux, ajoute à cette atmosphère avec un refrain splendide ainsi qu’un très bon passage au piano et un break épique splendide.
"Cultösaurus Erectus" est donc une œuvre majeure du Blue Öyster Cult, à la fois ambitieux et accessible, sombre, lyrique et teinté d’un mysticisme digne de la légende du groupe. Avec ce grand disque, le BÖC se relance avec une classe folle et aborde les années 80 dans les meilleures conditions.