Après un "Love It To Death" plus que prometteur, Alice Cooper nous revient la même année avec "Killer", son quatrième disque. Celui-ci présente un groupe qui a enfin trouvé sa voie et qui propose un style désormais bien maîtrisé. Le producteur Bob Ezrin est toujours de la partie, mais cette fois ci, il élargit son champs d’action et participe à l’écriture de deux titres. Comme par le passé, c’est le guitariste rythmique, Michael Bruce, qui se charge de la majorité des compositions, le chanteur Alice Cooper ne participant qu’à seulement cinq titres.
Le passé psychédélique / expérimental du groupe n’apparaît plus guère que sur "Halo Of Flies" (et dans une moindre mesure "Killer"), titre à l’orchestration plus travaillée et aux sonorités assez étranges qui marque la volonté du groupe de proposer un morceau assimilable. Ce titre a été composé à partir de l’ébauche de trois chansons différentes qui ont été assemblées, ce qui explique les variations d’ambiance. Nous naviguons là, entre Rock Progressif et Hard Rock, embarqués dans les méandres tortueux et torturés de l’esprit d’Alice Cooper. Pour le reste, Alice Cooper œuvre désormais dans un Hard Rock très axé sur la voix de son chanteur de plus en plus présent. Le titre "Desperado" est à cet égard assez symptomatique. A l'exception de certains passages de violons, le morceau tourne autour des vocaux qui se font tour à tour agressif, puis paisibles. Parfois présenté par Vincent Furnier comme un hommage à son ami Jim Morrison décédé la même année, ce morceau serait en fait inspiré du personnage de Lee, interprété par l’acteur Vincent Vaughn dans le film Les 7 Mercenaires.
L’album débute par le hit "Under My Wheel", incontestablement le titre le plus fort. La voix est malsaine, les guitares bien grasses, et la batterie nous offre une intro des plus dynamiques. L’efficacité est au rendez-vous de ce Rock lourd et rapide. Si le reste de l’album est un léger ton en deçà, des chansons comme "You Drive Me Crazy", "Yeah, Yeah, Yeah" et "Dead Babies" sont toutefois de la même veine et hautement recommandables. Ce dernier titre, au tempo lancinant, aborde le sujet des enfants maltraités, et donnera lieu en concert à une mise en scène provocante durant laquelle Alice Cooper démembrait des poupées. Il faut dire que les spectacles du groupe deviennent à cette période de plus en plus grandiloquents et théâtraux. Quant à "Be My Lover", il lorgne plutôt du côté du groove des Rolling Stones. Enfin, le disque se termine sur un "Killer" théâtral qui évoque le destin inéluctable d’un tueur et qui débouche sur un bruitage censé reproduire le bruit d’une chaise électrique en action.
L’esprit Rock est bien présent, et malgré le fait que cet album sonne terriblement daté, il possède toujours un charme spécifique et un côté années 70 très agréable. Le groupe semble prendre un malin plaisir à varier les genres et les ambiances, et à adopter un style un peu loufoque et décalé qui lui sied à merveille. L’auditeur est souvent pris à contre-pied, mais la magie opère. Pour l’anecdote, le titre du disque a été écrit de la main gauche par le droitier Dennis Dunnaway (basse), signe que le groupe se complaisait déjà dans les situations loufoques et absurdes.