"Fool's Mate" est le premier disque solo officiel de Peter Hammill, leader du groupe Van Der Graaf Generator, même s'il s'agit en réalité du second, le premier, "The Aerosol Grey Machine", ayant été mis au crédit de VDGG pour de sombres histoires de droits commerciaux.
Il est vrai qu'il peut paraître difficile de faire la différence entre les albums de VDGG et ceux de Peter Hammill, surtout à leurs débuts. En effet, pratiquement tous les titres des albums de VDGG sont écrits par Peter Hammill, qui de plus assume sans conteste le leadership du groupe par son charisme et son empreinte vocale caractéristique. A contrario, Peter Hammill utilise, et utilisera longtemps, les autres musiciens de VDGG sur ses albums solos pour toutes les parties qu'il n'assure pas lui-même.
Cependant, si la structure du groupe est la même, la teneur musicale est sensiblement différente. Les albums de Peter Hammill sont moins noirs, moins agressifs que ceux de VDGG. Ils sont par contre plus intimistes, plus mélancoliques, voire désespérés. Le format des titres est lui aussi un critère différenciant : les titres des albums solos sont, à de rares exceptions, de format plus court excédant rarement les 6 minutes.
"Fool's Mate" peut être considéré comme un album de jeunesse. Si ce disque voit le jour alors que VDGG a déjà sorti 3 albums, les titres qui le constituent ont été écrits pour la plupart quelques années auparavant. "Fool's Mate" est peu représentatif des albums à suivre, même s'il est difficile de dégager de l'œuvre de Peter Hammill une ligne directrice (si ce n'est l'originalité), tant cet artiste est protéiforme dans son écriture. La plupart des titres ont une structure suffisamment simple pour être appréhendée dès la première écoute (couplet/refrain/cou./ref./pont/cou./ref.), leur format court et leur ligne mélodique permettant de les mémoriser facilement et de les fredonner, faits suffisamment remarquables pour être notés, tant il sera dur de trouver dans les 30 albums suivants une poignée de titres pouvant être chantés par le commun des mortels.
La douzaine de titres alterne donc des mélodies calmes et d'autres plus enlevées, de nombreux morceaux guitare acoustique / voix ou piano / voix, dégageant un sentiment de nostalgie et procurant une écoute des plus agréables. La voix de Peter Hammill n'est pas encore empreinte de cette raucité probablement due au tabac qu'on retrouvera quelques années plus tard. David Jackson ornemente quelques morceaux de ses volutes de flûte et de sax bienvenues.
Un disque à l'écoute agréable et facilement accessible pour un non-initié à l'univers de Peter Hammill. Cependant, certains signes avant-coureurs de ce qui va suivre sont présents. Ainsi, sur "Good Morning Sunshine", les saxes débridés de David Jackson viennent en contrepoint d'un piano qui joue une autre partition, tandis que Peter Hammill chante un texte semblant contenir plus de mots que la phrase musicale ne peut en accepter, le tout en plaquant quelques accords sur sa guitare sèche. Et que dire du break musical où les "la la la" de Peter Hammill semblent en complet déphasage avec la musique ? La créativité de Peter Hammill pointe déjà son nez. Le meilleur est à venir.