" Russian Roulette" avait montré une formation confirmant ce que l’on pouvait déjà entrevoir avec "Metal Heart". Le groupe s’éloigne de plus en plus du heavy pur et dur qui a fait sa gloire, pour un heavy américanisé, mélodique et avec refrains ciselés pour un maximum d’effets. Cet album va confirmer cette tendance et être une révolution. Tout d'abord, Jorg Fischer est définitivement remplacé par Jim Stacey, même si c’est bien Wolf Haufmann qui joue toutes les parties de guitare. Mais surtout, "Eat The Heat" marque le départ du chanteur charismatique et emblème du groupe, Udo Dirkschneider, dernier garant de la touche heavy allemande du groupe. Ce dernier va profiter du break pour lancer sa carrière solo sous son nom et quitter Accept. Il était de toute façon en désaccord artistique avec Wolf Haufmann et Peter Baltes partis s’installer aux USA après des tournées usantes. Les deux hommes, base musicale du groupe, voulant continuer sur leur lancée tandis qu’Udo voulait revenir aux bases. Plutôt que d’abandonner la partie après un coup si dur, les musiciens d’Accept vont tenter l’impossible en lui cherchant un remplaçant. C’est ainsi que David Reece est recruté fin 1988, l’album sortant lui tout début 1989.
Le changement est assez radical. Reece, avec sa voix très typée hard US, est très éloigné d’Udo. Il est clair qu’en le recrutant, Accept a l’intention de continuer son américanisation tant le décalage entre les deux hommes est fort. Une vue sur la pochette avec un Reece aux allures de David Lee Roth et un groupe très poseur et permanenté suffira de s’en convaincre complètement. Le résultat de tout cela donne un disque plutôt intéressant mais assez impersonnel, avec quelques bons titres mais sans beaucoup d’âme. La base reste heavy mais avec une touche FM omniprésente et sans trop d’originalité, et si rien n’est réellement mauvais, peu de titres sortent au final de la masse.
De plus le charisme vocal d’Udo manque cruellement. Reece est un bon chanteur mais il n’a pas le dixième de la classe de son prédécesseur, n’étant finalement qu’un honnête chanteur de Hard US parmi tant d’autres. Il faut en fait faire abstraction de la dénaturation d’Accept pour bien apprécier ce disque, complètement maîtrisé par Baltes et Hoffmann.
Comme nombre d’albums du genre, "Eat The Heat" commence plutôt bien pour s’essouffler sur sa fin. Il débute avec deux excellents titres: "XTC" et "Generation Clash". Le premier est de loin le titre le plus heavy de l’album. Reece y propose une prestation puissante, pas si éloignée d’Udo. Le titre a très intelligemment été placé en début de disque pour ne pas trop déboussoler les fans avec un rythme assez martial, un ton bien rentre dedans et des soli mélodiques et rapides portant bien la marque d’Hoffmann. "Generation Clash" est plus soft mais avec un ton sombre et heavy du meilleur effet et un chant bien puissant, en particulier sur un très bon refrain avec encore des riffs et soli de guitare bien tranchants.
Mais par la suite, Accept donne dans le hard FM purement américain, parfois pas loin d’un Aerosmith, avec des titres calibrés radios qui certes se laissent écouter mais dont au final on ne retient pas grand-chose. On se pince même à l’écoute de "Chain Reaction", "Love Sensation" ou "Turn The Wheel" qui suivent, tant on ne reconnaît plus Accept et son métal germanique pour trouver une formation de hard commerciale comme il y en a tant. Dans cet ensemble calibré à l’extrême, seul ressort un "Hellhammer" bien heavy au niveau des guitares, même si Reece n’y est pas parfait au chant. Pour le reste, Accept s’enlise en nous ressortant des titres FM en pagaille. "Prisoner" d’abord, le seul à sortir du lot avec son excellent refrain, pas loin d’un Journey. Puis il y a "I Can’t Believe In You", bien trop formaté pour convaincre et qui n’a rien de bien exceptionnel pour sortir de la masse.
Sur la fin de l’album, seule ressort un peu la ballade "Mistreated", assez prenante au départ même si un peu trop longue, avec un Reece très à l’aise dans un registre acoustique et blues, puis plus heavy, mais qui traîne. Puis, après un "Stand 4 What UR" complètement formaté, et un "Break The Ice" un poil plus heavy mais banal, nous ne sauverons guère que "D-Train", bon titre heavy avec des guitares sauvages comme rarement dans le disque, et un chant largement plus rentre dedans.
Au final, en zappant le nom Accept, "Eat The Heat" est un album de Hard FM honnête mais sans génie, avec quelques passages heavy sympathiques et un chanteur dans la norme du genre, sans le truc en plus qui le sortirait du lot mais avec une voix agréable. Par contre, du point du vue du fan d’Accept, cet album est plus que moyen et même le plus faible du groupe à ce jour. Il n’a pas la classe de ses 5 prédécesseurs, tous ou presque classiques du genre et avec une personnalité forte. Sans hits qui donnent le frisson, il s'agit juste un album hyper formaté et qui, malgré ses qualités, est une grande déception, tant il est dur de voir une légende comme Accept se vendre à ce point.