Au moment où sort ce troisième album, Ritchie Blackmore a déjà travaillé avec Dio et le reste de Elf (moins leur guitariste évidemment !) sur le single "Black Sheep Of The Family", un blues rock qu'il souhaitait reprendre depuis un moment avec Deep Purple, sans succès auprès des autres membres du groupe. De fait, le titre ressemble ouvertement à ce que fait Elf… et parallèlement, le troisième LP de Elf, sorti initialement aux USA et au Japon, semble continuer à faire varier son boogie (hard) rock avec quelques éléments plus doux, agrémenté d'arrangements orchestraux. Sur ces 8 morceaux, le groupe utilise aussi un percussionniste en renfort (Mark Nauseef) et fait davantage appel aux choristes qui figuraient déjà sur le précédent LP.
Si l'album démarre avec "Black Swampy Water", un boogie rock syncopé sans surprise, "Prentice Wood" qui suit contient déjà un petit break pastoral au milieu d'un hard rock bluesy du même tonneau. "When She Smiles" part au piano électrique sur un ton blues/soul, et nous refait le coup du morceau progressif qui démarre calme pour finir rock… Surtout, celui-ci bénéficie d'arrangements orchestraux, et la voix profonde de Dio fait des merveilles dans ce genre. Pour une fois, le morceau suivant ne repart pas dans l'urgence rock'n'roll: "Good Time Music" reste bluesy mais ressemble quelque peu à une ballade de saloon enlevée où domine le piano, avec des chœurs féminins. Il faut attendre ce qui était la face B et "Liberty Road" pour revenir au swing du boogie blues, toujours dominé par le piano bastringue et encore agrémenté de chœurs féminins. "Shotgun Boogie" possède une teinte toujours assez traditionnelle, plus proche d'un bon vieux rock'n'roll de la fin des années 50 sur un rythme endiablé, et Mickey Lee Soule se défoule lors d'un solo de piano archétypique. Sans les guitares acérées de Steve Edwards au milieu, on pourrait se planter de 15 bonnes années sur la date d'enregistrement !
Le titre de l'album, aussi mystérieux que bon nombre de titres de Ronnie ("essayant de faire brûler le soleil") provient d'une ligne située au milieu d'un pont mélodique sur une ballade absolument magnifique comportant quelques changements de tempo, "Wonderworld", un des meilleurs morceaux que RJD n'ait jamais chantés, et qui pourrait le faire mieux que lui ? Même s'il est difficile de comparer avec ce qu'il fera par la suite, ce titre est sans doute bien meilleur que bon nombre de ceux figurant dans son répertoire postérieur. Enfin, "Streetwalker" achève le LP avec un long blues assez typé américain, qui démarre encore lentement au piano (définitivement l'instrument majeur du groupe) avant d'évoluer sur un rythme syncopé, avec des percussions typiques du style "Westcoast" des années 70. La voix de Ronnie est plus rauque, alors que le morceau devient progressivement nerveux, mais la dernière partie voit un retour au blues lent digne d'un bastringue du Sud des Etats-Unis, de plus en plus lourd et appuyé, conclusion typique d'un groupe définitivement attaché à ce genre.
On rêve à ce que le groupe aurait pu devenir avec un petit coup de pouce et une inspiration renouvelée, mais avec le départ de Dio, seul membre de Elf retenu pour la première tournée de Rainbow, Elf ne pouvait que disparaître, mais non pas sans laisser son empreinte chaleureuse et finalement bien personnelle sur le rock de la première moitié des années 70. Il faudra pourtant attendre le début des années 80 et la carrière en ascension constante de Ronnie James Dio pour que ce troisième album soit réédité et distribué en Europe !
"Trying To Burn The Sun" et le second album "Carolina County Ball" ont été réédités en 1991 sur un unique CD édité par Connoisseur (sous licence de Purple Records) sous le nom de "Ronnie James Dio : The Elf Albums", CD qui est toujours disponible à l'heure où ces lignes sont écrites.