Trois albums en trois ans ! Dire Straits surfe sur la vague du succès, mais à l’aube de l’enregistrement de Making Movies, perd son guitariste rythmique : le cadet des frères Knopfler. Ecrasé par la personnalité de son frère Mark, David décide de voler de ses propres ailes et se lance dans une carrière solo. Bien que participant partiellement à l’enregistrement, il n’est pas crédité sur l’album.
Avec cet album, Dire Straits clôt sa trilogie purement rock, et un premier infléchissement se fait jour dans la musique du groupe : les claviers (principalement le piano, mais aussi un peu d’orgue sur Expresso Love) se renforcent, et l’inspiration est ici plus éloignée du rock des débuts, lorgnant parfois avec application vers le Rock FM, plus formaté... et commercialement plus payant, quoique beaucoup moins original.
Il y a deux façons de recevoir Making Movies. Les aficionados restent persuadés qu’il fait partie des meilleurs albums de Dire Straits, bien ancré dans la tradition rock et résistant aux sirènes des claviers dominateurs et autres tentations atmosphériques. Et en effet, comment résister à l’impeccable Tunnel Of Love qui ouvre l’album, un titre très proche dans l’esprit du monument qu’est Sultans Of Swing? Avec sa rythmique millimétrée, ce morceau expose un rock simple, énergique et avec de super solos de guitare : exactement ce que l’on attend de Dire Straits ! La reprise et le long solo après l’accalmie sont un pur bonheur !
Le problème, c’est qu’en dehors de ce titre ô combien accrocheur et réussi, le reste de l’album se délite dans la redite et le formatage. Non que la musique soit mauvaise : Solid Rock - qui sonne très Who, le groupe de Pete Townsend - ou Expresso Love sont plus que sympathiques, mais ne font plus preuve de l’élan qui caractérisait les toutes premières productions du groupe. Et bien des titres confinent au banal : Skateaway et ses accompagnements bateau à la guitare sur les refrains, Hand In Hand, poussif, ou Romeo And Juliet, très surfait avec son solo final escamoté. Jusqu’au titre final, assez folk, très basique et plutôt suranné, qui apparaît plutôt comme un amusement.
La seconde façon de considérer Making Movies est de le voir comme un album de transition. Sentant que le groupe ne pouvait pas vivre éternellement sur des titres rock (et comment écrire un suite à Sultans... ?) , Mark cherche une voie : le rock teinté FM essayé sur ce Making Movies est un essai pas transformé et peu convaincant - hormis le premier titre -, et le groupe va progressivement s’orienter vers des rivages plus sophistiqués, avec les remarquables Telegraph Road et Private Investigations qui ouvriront l’album suivant, et le virage plus atmosphérique de Brothers In Arms qui sera leur plus gros succès.