Après avoir délivré en une année trois opus majeurs dans l'œuvre de Van Der Graaf Generator ("Godbluff", "Still Life" et "World Record") suivis d'un nouveau split du groupe, l'infatigable Peter Hammill revient avec un nouvel album solo, "Over". Cet album va-t-il s'inscrire dans la continuité du progressif noir de VDGG ou dans celle du rock teinté de punk de Rikki Nadir ?
Eh bien, ni l'un, ni l'autre. Peter Hammill nous livre une œuvre introspective, minimaliste et bouleversante. "Over" est un disque proche de l'autobiographie. Peter Hammill, qui sort d'une relation amoureuse difficile, nous fait partager ses affres, sa douleur, sa solitude, sa rancœur parfois. Le disque ressemble à une confession, à un moyen thérapeutique pour exorciser son malheur.
Tous les titres sont centrés sur la voix exceptionnelle de Peter Hammill, capable de véhiculer et de faire partager toutes ses émotions, sachant utiliser à la perfection ce grain un peu rauque qui parfois s'efface devant de lumineuses notes aiguës, voire suraiguës. Peter Hammill est un funambule du chant : sa voix gronde, se casse, vocifère ou caresse, plonge dans les basses pour s'envoler dans les aigus, le tout avec une aisance déconcertante. Par ailleurs, le chant est toujours inspiré, tout transpire l'authenticité du propos. Pas de surenchère d'effets, la démesure est juste, l'artiste chante avec son cœur et ses tripes et met son âme à nu.
L'auditeur est pris en otage, voyeur involontaire d'une détresse humaine. S'il fallait faire une comparaison avec un autre artiste, nul doute que Jacques Brel serait une référence évidente. La puissance d'évocation de ces deux artistes provoque l'empathie de leur public : ce n'est plus Hammill qui a été trompé et abandonné, ce n'est plus lui qui pleure, regrette, supplie et se déchire, c'est celui qui l'écoute. Il se livre cœur et âme : on adore ou on déteste, mais impossible de rester indifférent.
"(On Tuesday She Used To Do) Yoga" est une autocritique masochiste, "Autumn" une réflexion désespérante sur la vieillesse et l'ingratitude (l'un des rares titres n'évoquant pas sa rupture). "Betrayed" est un titre rempli d'amertume et de rancœur où Hammill crache son venin et sa misanthropie ("I don't believe in anything anywhere in the world"), et qui se termine sur un violon à fendre le cœur (joué par Graham Smith, future recrue du Van Der Graaf en cours de reconstruction). "Alice (Letting Go)" sonne comme une dernière tentative de réconciliation, une bouteille lancée à la mer, Peter Hammill ne pouvant se résigner à croire que tout est fini ("I can't believe the story ends like this today"). Et il n'est pas possible de passer sous silence "(This Side Of) The Looking-Glass", magnifique morceau orchestral, où Hammill n'a peut-être jamais aussi bien chanté, instillant un sentiment de solitude glacée au plus profond de l'être de celui qui l'écoute.
Entre morceaux dépouillés et minimalistes et titres plus orchestraux, Peter Hammill nous livre là l'une des œuvres les plus poignantes du rock et sans conteste l'un de ses meilleurs disques. Qu'il en soit infiniment remercié !