La pochette de "The Future Now" est à elle seule tout un symbole. On y découvre un Peter Hammill dont la moitié droite du visage est barbue alors que la partie gauche est rasée. Dans l'album vinyle, un encart découpé en son centre permettait, en ouvrant ou fermant l'un ou l'autre volet, de contempler un Peter Hammill imberbe, ou barbu, ou encore moitié rasé à droite ou à gauche, selon l'humeur.
Amusant, mais symbolique. Symbolique du caractère schizophrène qu'imprime souvent Peter Hammill à sa musique. Tantôt, il nous enveloppe d'une douce mélancolie, sachant tisser des mélodies feutrées où sa voix grave catalyse toute la tristesse du monde, tantôt il nous électrise, les mots fusant comme autant de coups de fouet tandis que claviers, guitares et batterie entrent dans le bal pour renforcer le sentiment d'urgence qui se dégage des titres. Tantôt enfin, il met nos nerfs à rude épreuve, nous entraînant sur des airs improbables, distordant les sons et bouleversant toutes les conventions musicales.
"The Future Now" est une bonne synthèse de cette diversité et, en cela, la pochette annonce bien le contenu du disque. La douceur, on la retrouve dans des morceaux comme "The Mousetrap", "If I Could" (qui aurait très bien pu faire un excellent hit FM) ou "Still In The Dark". L'agressivité est plus prégnante dans "Pushing Thirty" ("I still can be Nadir") ou "The Future Now", splendide titre ou la musique solennelle et presque hiératique s'oppose à un chant pléthorique, pressé et bousculé, presque hargneux.
Enfin la part belle est faite aux expérimentations sonores en tout genre : "Trappings", titre sans véritable rythme ni mélodie, constitué de superpositions de guitares et de voix, "Energy Vampires", un chant acerbe et ironique et un violon discordant répondant aux rebonds de boucles de guitares, "A Motorbike In Africa" dans lequel Peter Hammill déclame un texte sur fond de percussions très monocordes, rappelant au choix le rituel des musiques tribales ou le ronron du moteur de la motocyclette du titre, ou encore le superbe et étonnant "Mediaevil", chanté a cappella (si l'on excepte 15 secondes de guitare stridente et 3 coups de batterie). Sur ce morceau, la mélodie est fredonnée par des chœurs plus ou moins graves, tous enregistrés par Peter Hammill, sur lesquels il déclame avec conviction un pamphlet contre l'intolérance religieuse. L'effet est saisissant.
Peter Hammill introduit d'ailleurs pour la première fois de façon assez récurrente ce qui va constituer une sorte de marque de fabrique : l'utilisation presque systématique de sa propre voix qui vient doubler à l'octave supérieure ou inférieure le chant principal, parfois renforcé de chœurs également interprétés par lui-même. L'effet rendu est très particulier et pour le moins original.
"The Future Now" n'est probablement pas l'album par lequel il convient d'aborder Peter Hammill. Les nombreuses expériences musicales auxquelles il se livre, parfois très réussies ("Mediaevil"), parfois moins évidentes ("A Motorbike"), risquent de dérouter l'auditeur peu familier de son univers. De plus, la réalisation est moyenne, le chant étant parfois noyé au milieu des instruments et manquant du relief nécessaire pour restituer le dynamisme de certains titres (flagrant sur le titre éponyme). Réservé aux sectateurs de Peter Hammill, "The Future Now" renferme certaines perles que ceux-ci ne peuvent ignorer.