Lorsque l’on arrive sur une scène aussi confidentielle que celle du métal progressif, il peut être agréable pour l’égo et le portefeuille d’être soutenu par une figure déjà bien installée. En effet chers lecteurs et adeptes du genre, nous restons une petite minorité de bêtes curieuses, et les médias (ne) faisant (pas) leur office comme le voudrait le beau principe pluriculturel, bon nombre de formations de qualité restent tapies dans l’ombre dans l’attente fébrile d’une reconnaissance parfois tardive. Aussi, lorsqu’un pape tel que Mike Portnoy vous octroie sa sacro-sainte bénédiction, c’est à la fois un formidable accélérateur et un gage supposé de qualité.
Deventter serait donc « l’un des meilleurs groupes de métal progressif au Brésil », une appréciation qui semble se confirmer au regard des beaux chiffres de ventes et des critiques tout aussi bonnes qui ont accompagné la sortie du premier album en 2007 : The 7th Dimension. Fondé en 2001, le groupe ne nous gratifie en effet aujourd’hui que de son 2e opus, la faute à des changements de line-up multiples. 6 ans pour le premier, 2 ans pour le second, ce n’est pas très étonnant si l’on considère que le groupe devait avoir en sa possession plus de matériel qu’il ne pouvait en publier en un seul jet.
11 titres pour 71 minutes : Deventter est généreux dans l’effort et remplit jusqu’à ras-bord cette nouvelle galette. Le style est à un métal progressif moderne et mélodique, qui ne renie pas la traditionnelle dimension technique, mais n’en fait pas le cheval de bataille habituel. Le premier titre donne ainsi le ton, « O.M.T » déboulant avec force et conviction, faisant claquer rythmique sèche et guitares aux riffs directs et accrocheurs. Sur la succession de gimmicks classiques mais diablement efficaces, servis par une production propre et puissante, vient très vite se poser le chant très particulier Felipe Schaffer, qui parle et scande autant qu’il se laisse aller à quelques envolées plus lyriques. Souvent à la frontière du néo et très présent sur la plupart des titres, nul doute qu’il sera une si ce n’est LA condition pour adhérer aux compositions brésiliennes.
Et si « O.M.T » montre la voie, il le fait aussi à deux autres niveaux que l’on peut difficilement ignorer tant ils imprègnent le style Deventter : les paroles et les passages instrumentaux. Le groupe nous propose en effet un album très « bavard », le chant étant pour le moins omniprésent et venant étouffer à quelques reprises des morceaux déjà chargés. « 6000 » par exemple n’en peut plus de rajouter les couches vocales et musicales avant de proposer un intervalle instrumental assez peu inspiré et aux soli tristounets. Car en effet, si la formation possède un incontestable sens du riff et de la mélodie, elle est bien plus en danger dès lors qu’elle se met en quête d’expressions individuelles. Paradoxalement, on en viendrait presque à ne plus souhaiter les passages instrumentaux pourtant déjà réduits à portion congrue.
Quelques bons moments sont toutefois à signaler, dont les très bons et plus calmes « Reflected » et « All Rights Removed », présentant une facette plus « pop » du groupe dans laquelle il semble parfaitement à l’aise, débarrassé de ses impératifs technico-techniques. A l’inverse, « Transcendence Inc. » ou « Losing Track Of Time » n’en finissent plus de rebondir de part et d’autres pour n’atterrir nulle part. La fin de l’album est presque une synthèse de cette chronique entre un « Down To The Apex » original et accrocheur puis un « Lead… Off » qui n’en finit plus de finir.
En conclusion, Deventter est un bon groupe, mais peut-être pas dans le genre dont on l’affuble un peu rapidement. Les passages les plus progressifs sont sans doute les moins réussis tandis que les lignes les plus mélodiques et la quasi-totalité des refrains ont un je-ne-sais-quoi d’accrocheur et de tout à fait convaincant. Un peu long, un peu brouillon : un album « un peu » bon mais un groupe à suivre !