Flashback : 1983, le producteur Tom Galley réunit pour un projet baptisé Phenomena quelques musiciens « très peu connus ». Ils avaient pour nom Glenn Hughes, Don Airey, Neil Murray et Cozy Powell... 27 ans plus tard, ce même producteur sort « Blind Faith » le 5ème volet de la saga. Entre temps, « Dream Runner », « InnerVision » et « Psychofantasy » avaient perpétué le mythe avec l’aide de quelques autres « petits joueurs » tel que Brian May, John Wetton, Scott Gorham et Tony Martin. Phenomena n’est donc pas véritablement un groupe puisque ses membres sont on ne peut plus mouvants. Cependant, ce projet (appellation la plus appropriée) nous a malgré tout apporté plus de satisfactions auditives que bien des side-projects, soi-disant Supers Groupes ou associations d’artistes plus ou moins forcées par certains labels.
Ce 5ème opus décevra-t-il l’auditoire ? Nous allons essayer, pour répondre à cette taraudante question, de tenter une introspection de la bête ensemble. Au vu du particularisme du produit qui propose des atmosphères/styles/approches différents en fonction des musiciens qui officient (et en particulier les vocalistes), le patron me pardonnera à n’en pas douter, une fois n’est point coutume, un titre à titre que votre modeste chroniqueur va tenter de rendre le moins scolaire possible en le parsemant de quelques détails sur les protagonistes ayant participé au projet.
L’album entame sa course par « The Sky is Falling » avec Mike Dimeo derrière le micro. Ce garçon est le dernier chanteur en date de Riot et a œuvré chez Masterplan sur leur 3ème album. Sa voix pénétrante est parfaitement en accord avec l’ambiance lancinante de ce titre qui s’extrait de la grisaille ambiante (largement générée par les riffs quasi-sabbathiens assénés par Stefan Lindholm le guitariste de Vindictiv et de Firecracker) sur le refrain que vous prenez avec bonheur comme une goulée d’oxygène.
« Blind Faith » change alors radicalement l’ambiance. Nous sommes ici en pleine atmosphère irlandaise avec force violons entraînants. Bob Moratti y joue efficacement les frontmen. Il fut le chanteur de Final Frontier et s’est vu confier dernièrement le risqué privilège de remplacer Michael Sadler au sein de Saga. Comme un fait exprès c’est Ian Chrichton, le six-cordiste de Saga qui l’épaule. Le titre est enlevé, porté par une mélodie bien trouvée, guidée de manière incisive par les archers qui osent même un délire façon bourrée sur le break.
« Fighting » change la donne et percute allègrement, la faute à Ralph Sheepers qui chanta chez Gamma Ray entre 89 et 93 (sur trois albums) et qui est désormais le vocaliste de Primal Fear et à Matt Sinner son compère guitariste habituel. Du Hard Rock à l’allemande, sans concession mais un brin basique...
Il était question de Black Sabbath plus tôt, on est en plein dedans avec « Liar ». Il faut dire qu’avec Tony Martin aux vocalises il est peu aisé de ne pas y faire référence. En effet, le bougre a chanté pour la bande à Iommi sur cinq albums ("Eternel Idol", "Headless Cross", "Tyr", "Cross Purposes" et "Forbidden"). Il teinte, de manière évidente, ce titre des élans qui guidaient BS à ses différentes époques. Un sacré bon morceau, doté d’une mélodie entraînante à souhait, rayon de lumière dans une ambiance bien rentre-dedans.
On assiste ensuite à un nouveau changement d’atmosphère avec « I Was Gonna Tell You Tonight » chanté par la toujours sémillante Robin Beck désormais quinquagénaire avancée (5 opus à son compteur). Ici, le Rock tendance West Coast est à l’œuvre avec ce genre de titre qui traîne sur les ondes aux States et qui s’écoute en décapotable roulant tout droit durant des kilomètres. Un tantinet mièvre mais correctement conçu.
« Angels Don't Cry » va rattraper le petit faux pas grâce à l’étonnante voix de Mikael Erlandson, chanteur de Last Autum’s Dream et de Salute (pour le side-project) qui s’en sort comme d’habitude remarquablement sur ce mid-tempo très mélodieux qui rappelle sans équivoque son groupe de prédilection.
« If You Love Her » sent l’ambiance Phenomena à plein nez. Car en effet, à travers tous les albums de ce projet vous pouvez retrouver sur certains titres une atmosphère spéciale, marque de fabrique du groupe. Etonnant vue la valse des musiciens, mais bien réel. Chris Ousey nous y pousse la chansonnette, il a l’habitude avec Heartland groupe de Hard FM (dix albums au compteur depuis 91). Ce nouveau mid-tempo, joliment lancinant, possède une fois de plus une mélodie de très belle facture doublée d’un exercice guitaristique de Monsieur Tonny Denander plutôt marquant.
C’est alors que surgit la sempiternelle ballade. Moratti refait surface sur ce « House Of Love » beau mais d’un classicisme assez confondant. Toutefois, l’ensemble peut être considéré comme quasi-sauvé par le refrain lumineux que n’aurait pas renié Journey.
La machine repart avec le tubesque « Don't Ever Give Your Heart Away » interprété gaillardement par Steve Overland vocaliste des groupes Overland (forcément !), FM, The Ladder et Shadowman. Le Hard FM dans toute sa splendeur vous scotche ici sous le casque sans s’excuser aucunement.
La boucle se boucle pour terminer le tableau avec « One More Chance » dans lequel Terry Brock officie. Ce garçon vient de sortir un très bon album solo, il est également le chanteur de Giant, de The Sign et de Seventh Key. Le titre possède un petit côté Foreigner. Rien de renversant toutefois ce qui est dommage pour clore les débats.
Voilà, vous savez désormais ce qui vous attend avec précision si vous jetez votre dévolu sur ce 5ème opus de Phenomena. Si vous êtes un amateur du projet, vous ne serez pas dépaysé et vous devriez apprécier cette nouvelle production qui viendra compléter votre collection. Par contre, si Phenomena ne vous dit rien à part peut être le titre d’un film de Dario Argento (rien à voir même si Maiden et Motorhead apparaissaient dans la BO), soyez curieux et tentez une approche du produit. Si le Hard Rock mélodique est une de vos tasses de thé, vous devriez pouvoir gouter à la mixture proposée, le petit doigt en l’air, avec une certaine délectation.