Forts du succès de leur deuxième album (Le cimetière des arlequins) qui a promu Ange au titre de premier groupe de rock français, les frères Décamps et leurs complices enfoncent le clou avec la sortie de ce troisième opus.
Au-delà du délire ne marque pas un changement mais plutôt une maturité, un accomplissement dans cette musique qui semble envelopper les textes de Christian Décamps comme un écrin. Car Christian n'a rien perdu de sa verve et on retrouve ici les histoires de démons, les orgies médiévales et les délires verbaux teintés d'absurde.
L'éventail des tonalités musicales d'Ange est ici au complet. On débute avec l'histoire de Godevin le vilain sur une mélodie lente, au rythme martelé, qui commence et s'achève par une mélodie légère sur une sonorité de violon avec une montée en puissance, duel de mellotron et guitare, dans sa partie médiane.
Sur une intro de guitare saturée, très hard (pour l'époque), Isaac interpelle la nuit sur un deuxième titre qui est construit à l'inverse du premier, tout en douceur hors l'attaque et le final.
Le troisième titre est le passage délirant de l'album, contant les inconvénients d'être le messie sur une musique démarrant sur la douceur de la flûte rythmée par quelques frétillements de cymbales pour finir sur une envolée d'orgue.
Puis arrive la ballade médiévale avec des allusions coquines délicieusement imagées; du grand Décamps !
On enchaîne sur Exode qui est un morceau puissant construit comme une pièce classique. Le synthé attaque dans les cuivres, puis la mélodie, centrée sur la guitare acoustique, se transforme en fugue avec ses lignes qui s'entremêlent pour revenir au thème premier dans sa conclusion.
La bataille du sucre est encore une ballade portant un texte surprenant, l'histoire de la disparition totale du sucre et la tristesse qu'elle entraîne.
L'avant dernier titre, Fils de lumière est le plus rock de l'album, avec un magistral crescendo des claviers et guitares sur fond de roulements de batterie qui restera comme un des grands moments de la carrière du groupe.
Et, nous finissons sur le titre éponyme de l'album qui est aussi le plus long et le plus dans la tradition progressive. Une première partie acoustique, toute en arpèges au rythme du "tambourin" et une deuxième partie qui s'envole dans un duo de synthés et guitares de plus de quatre minutes.
La technique est d'époque et donc vieillotte, desservant sensiblement la musique. On retrouve encore un usage un peu excessif de l'effet panoramique. Une remasterisation de cet excellent opus m'aurait poussé à être plus généreux sur la note globale.
En conclusion, Au-delà du délire reste un des trois meilleurs albums d'Ange toutes périodes confondues et si vous ne l'aimez pas, c'est que, définitivement, vous n'êtes pas fait l'un pour l'autre.