"W.e.n", second album du groupe Flyingdeadman, n'est pas d'une approche facile. Ce constat tient probablement au fait que le jeune groupe français brouille les pistes et mélange allègrement les genres, entraînant l'auditeur sur des chemins de traverses qui peuvent le désorienter si l'écoute reste superficielle. Ainsi, le morceau d'ouverture commence sur les sentiers balisés d'un post-rock à la Sigur Ros, musique hypnotique et répétitive sur laquelle s'enroule un chant plaintif, pour brutalement basculer sur quelque chose de plus abrupt, plus violent, un air chargé de basses lourdes, de guitares agressives et de batterie puissante.
Pour mieux comprendre, procédons à l'analyse clinique du CD. Les six premiers morceaux sont des nouvelles compositions. Les trois suivants sont des remixes de "Sunday 12", "Black Sun" et "Drifting Alone" et le dernier titre est une collaboration avec le groupe de death metal Saw. Du titre introductif "Why" au titre éponyme "W.e.n", la recette est globalement la même : une alternance de passages atmosphériques, généralement au tempo lent, la mélodie tournant en boucles, et de moment plus pêchus (pour ne pas dire métal) où batterie et guitares prennent le pouvoir et font déferler les décibels. Par-dessus, ou en arrière-plan, c'est selon, une ou deux voix psalmodient des onomatopées, assurant volontairement le rôle d'un instrument parmi les autres plutôt que celui de chant tel qu'il est communément utilisé.
Rien à dire sur l'interprétation, les basses rebondissent agréablement, la percussion assure et les guitares sont capables de lâcher des riffs rageurs à bon escient. Le chant renvoie indubitablement à Sigur Ros, mais c'est peut-être le style musical qui veut ça. Une mention particulière pour l'utilisation du contre-chant : la deuxième voix qui vient s'entremêler à la première apporte réellement un effet envoûtant aux compositions.
Viennent ensuite trois titres remixés auxquels participent respectivement The Noein, 3Tin et HO4X. Passons pudiquement sur le remix de "Drifting Alone", agaçant au possible, pour nous concentrer sur les très bonnes surprises que sont les remixes de "Sunday 12" et "Black Sun". Les titres originaux ont été épurés des guitares incisives et de la batterie orageuse. De ce fait, ils deviennent plus doux, plus mélancoliques et légèrement orchestraux.
Enfin, l'album se termine par un curieux titre "Its", fruit d'une collaboration entre Flyingdeadman et Saw. Passages atmosphériques, avalanches de décibels, chants lancinants doublés de voix death, ce morceau souffle le chaud et le froid.
Fin de l'analyse clinique.
Maintenant, il faut avouer que ce CD laisse une impression mitigée. Le passage des parties atmosphériques aux parties métal offre trop de contrastes pour être réellement agréable. Il est difficile d'avoir les bonnes dispositions d'esprit pour apprécier la juxtaposition de deux mondes musicaux si différents, même s'il est possible de les apprécier séparément. Par ailleurs, Flyingdeadman a pris un risque certain en terminant sur un titre aussi particulier que "Its". Tous les réfractaires au chant death restent forcément sur une mauvaise impression. "Sunday 12" ou "Black Sun", qui sont vraiment de très bons titres, remixés ou pas, auraient offert une fin plus consensuelle.
On ne peut pas reprocher à Flyingdeadman de manquer d'idées : "W.e.n." en regorge. Presque trop parfois, au risque de perdre ses auditeurs en chemin. Péché véniel, erreur de jeunesse ? Le potentiel est là. Il ne manque que quelques légers ajustements pour que l'intérêt suscité se transforme en plaisir.