Sorte de dream-team agglomérant quelques activistes aussi chevronnés que passionnés de la scène Black Metal hexagonale (Willy Ronis aka Meyhnach de Mutiilation, Hellsukkubus de Vokreist, Secrets Of The Moon, T. Persecutor de Arkhon Infaustus ou bien Arkdaemon de Temple Of Baal), Hell Militia tenait plus jusqu'à présent du fantasme que du projet sérieux, la faute au planning chargé de ses divers membres et ce, en dépit d’un premier méfait prometteur, Canonisation Of The Foul Spirit, il y a cinq ans.
Cette situation pourrait changer car Last Station On The Road To Death se présente enfin comme le calice ensanglanté que l’on était en droit d’attendre de cette cohorte de mercenaires démoniaques. Portant l’incontestable signature du Black Metal à la française, pour ne pas dire à la parisienne, cette seconde offrande égrène avec un ravissement morbide une ambiance sinistre et croupissante, grisâtre et fantomatique, à l’image de son très réussi visuel.
Entre une intro ("Always The Same") et une reprise curieuse mais habile de l’artiste punk JC Allin ("Shoot Knife Strangle Beat & Crucify"), Hell Militia aligne une série de mortifications fiévreuses souvent tendues comme le foc d'un navire, malsaines et rugueuses. Au déglingué et véloce "Born Without Light", qui installe en ouverture un climat délétère aux relents d’interdit, succède le lugubre "Unshakable Faith" où vibre la basse mortifère de Hellsukkubus dont on reconnaît immédiatement les attaques. Ces deux titres posent en quelque sorte le canevas de l’album, alternance entre compositions lancinantes au tempo suicidaire ("The Ultimate Deception") et viols plus rapides ("Fili Diaboli"), quand bien même "Et Inferno Ego" adopte ces deux visages faits de brutalité épidermique et de fractures saignantes.
Il va sans dire que c’est bien entendu lorsqu’ils serrent le frein à main et appuient sur l'interrupteur que les Français se montrent le plus impérial, comme l’illustre le sombre et décadent "The Pig That Became A God". Last Station On The Road To Death suit clairement une trajectoire funeste, qu’incarne également la terminale piste éponyme, dont on sent bien que rien ne peut lui faire suite, si ce n’est la mort elle-même. Le chant de Meyhnach y suinte un profond désespoir tandis que les riffs maladifs sont comme autant de coups de scalpel dans la peau.
A l’arrivée, un bon disque de Black Metal. Ce n’est sans doute pas un chef-d’œuvre absolu du genre, toutefois il transpire le professionnalisme et le travail bien fait de la part de musiciens qui n’ont aucune leçon à recevoir en terme de noirceur blasphématoire et de décrépitude. Corollaire peut-être de cet évident savoir-faire, il manque à Last Station On The Road To Death ce grain de folie vicieuse, que l’on croise chez Arkhon Infaustus par exemple, et qui lui aurait permis d’accéder au cran supérieur sur l’échelle de Richter de l'art noir. Ne boudons pas notre plaisir cependant face à ces scarifications dont certaines sont de dégueulasses petites perles lépreuses.