Angelfire est la rencontre du guitariste Steve Morse et de la chanteuse Sarah Spencer. Présenter Steve Morse serait aussi vain que de vouloir le classer dans une catégorie musicale particulière. Sachez qu’il maîtrise quasiment tous les styles, du classique baroque au rock progressif, et qu’il est malheureusement plus reconnu pour sa technique époustouflante que pour ses compositions. Sarah Spencer est une jeune chanteuse de vingt deux ans qui côtoie Steve depuis l’âge de seize ans avec le projet Angelfire en germe. C’est la voix de la jeune femme qui a retenu l’attention de Steve pour le décider à collaborer avec elle. Le résultat s’appelle Angelfire, un disque de chansons très intimistes avec de belles orchestrations et un son plutôt acoustique. Les ballades empruntent à la folk, à la country ou à la pop. Ce n’est ni le Morse de Deep Purple ni celui de Dixie Dregs qui vous attend avec ce disque, mais le voyage vaut largement le dépaysement.
Bien qu’à contre-emploi, cet album n’en reste pas moins une œuvre qui a demandé tout l’investissement de Morse et de sa jeune protégée. Comme pour ses disques solos, Steve a fait appel à sa fameuse section rythmique, Dave LaRue (basse) et Van Romaine (batterie), même si ceux-ci sont très largement en retrait par rapport à la guitare et à la voix.
C’est une douce quiétude qui règne tout au long des onze morceaux d’Angelfire, portée par la voix enchanteresse de Sarah Spencer. Dès le morceau d’ouverture, "Far Gone Now", on trouve les différents ingrédients de cet album : une guitare acoustique légèrement réverbérée, une section rythmique en appui, quelques ajouts de cordes et la présence incroyablement dense du timbre de la jeune femme.
Les constructions sont relativement simples, même si quelques compositions sortent du schéma classique avec des prises de risque bien inspirées comme sur "Get Away" ou "Terrible Things To Lose" par exemple. On retrouve la patte de Morse dans les arpèges qui rappellent ceux composés notamment avec Dixie Dregs ou sur les ballades de Deep Purple ("Pleasant Surprise").
Morse se fend d’un beau solo électrique qui donne une belle impulsion sur "Take It Or Leave It" mais point d’intervention démonstrative autrement. C’est d’une part le premier album chanté composé par Morse et d’autre part son disque le plus épuré qui reste une pièce très atypique de sa discographie.
Il y a une chose que l’on ne peut pas reprocher à Steve Morse dans son association à Sarah Spencer, c’est la prise de risque réelle que représente cet album qui va probablement faire vaciller le socle solide des amoureux de ce guitariste (au premier chef votre serviteur). Pour ceux qui se laisseront séduire par Angelfire, cet album sera comme une respiration salvatrice qui peut surprendre, surtout quand on connaît le travail passé de Steve Morse. Mais ce musicien, tellement friand de nouvelles expériences, met toujours autant de cohérence à ce qu’il entreprend, que ce disque porte l’empreinte de cette sincérité et cette générosité propres à ce grand monsieur.