Sans remettre en question les qualités certaines d’Arch Enemy, on a tout de même l’impression que Spiritual Beggars a été sacrifié au profit de l’autre groupe de Mike Amott, qui a explosé en 2001 avec le recrutement de la furieuse Angela, faisant de lui le principal port d’attache du guitariste alors que depuis le milieu des années 90, les deux projets cohabitaient tranquillement. Grâce à la triplette Another Way To Shine (1996), Mantra III (1998) et Ad Astra (2000), Spiritual Beggars rencontrait même davantage de succès qu’un Arch Enemy certes respecté mais à la notoriété encore modeste. La situation s’est donc inversée et c’est bien dommage...
Sans doute lassé que le groupe soit relégué au rang de simple concubine que l’on besogne à intervalles irréguliers, JB (chant) a décidé cette année de quitter le van après seulement deux opus du feu de dieu (les fabuleux On Fire et Demons) pour se consacrer à son Grand Magus qui d’ailleurs le vaut bien. Etonnamment, c’est vers Apollo Papathanasio (Firewind notamment) que le choix de Spiritual Beggars se porte pour remplacer celui qu’on compare, excusez du peu, à Dio et David Coverdale. S’il était permis de trouver cette décision curieuse, ces doutes sont très vite balayés par la très belle tenue de route de Return To Zero.
Ni retour en arrière à l’époque où l’ogre Spice tenait le micro et la basse, même si le son assez gras peut y faire penser, ni photocopie des deux disques précédents, cette septième offrande se situe en fait entre les deux, à la fois lourde et sabbathienne (« Lost in Yesterday», le pesant "Chaos of Rebirth") et nourrie au grand Hard Rock de l’école Ritchie Blackmore (on pense beaucoup à Rainbow et au Whitesnake de la fin des années 70).
Entre les magnifiques « We Are Free », au final jouissif, ce « Starborn» typique du groupe, et autre « Coming Home », se glissent de vrais petits bijoux plus surprenants. « Spirit of the Wind », pour commencer, lent et tout en ambiances, porté par la voix chaude du Apollo, dont nous étions nombreux à penser à tort qu’il ne serait pas à la hauteur de ses prédécesseurs. C’est ensuite le long « Concrete Horizon », baignant dans les effluves qui s’écoulent de l’orgue antédiluvien de Per Wilberg et illuminé par le jeu de Amott, chargé de feeling et immédiatement identifiable. Il y a aussi cet éblouissant « Believe in Me », dont on croirait qu’il a été composé par David Coverdale lui-même. Tout y est, les lignes vocales, la rythmique, les claviers, la classe... N’oublions pas non plus la ballade finale, « The Road Less Travelled », très Whitesnake également dans l'esprit.
Le guitariste n’avait pas menti en affirmant qu’il avait écrit pour Return To Zero quelques uns des meilleurs titres composés pour le groupe. On peut le préférer sous une forme ou une autre mais il n’en demeure pas moins que Spiritual Beggars n’a jamais déçu. Quel dommage vraiment qu’il doive se contenter des pauses que s’octroie Arch Enemy pour pouvoir désormais exister. Il mérite mieux, beaucoup mieux que ce statut ingrat de side-project. Espérons quand même que les Suédois ne se contentent pas d’aligner une poignée de concerts pour défendre ce très grand disque de Hard Rock vintage sans être nostalgique, avant de retourner hiberner quelques années... Le nom de l’album serait-il une manière de dire que ses auteurs sont décidés à repartir sur de bonnes bases ? Croisons les doigts...