On nous aurait menti ? Et si Jon Nötdveidt n’était en réalité pas mort ? C’est la question que l’on se pose forcément en écoutant Fallen Angel’s Dominion. Ceci dit, et sans vouloir manquer de respect à ce grand et défunt musicien, on peut douter que Dissection, s’il était encore en vie, serait parvenu à accoucher d’une telle réussite, eu égard à son inégal testament, Reinkaos, qui en a déçu plus d'un.
Sorti de la terre allemande et non pas suédoise, Thulcandra n’est donc pas la réincarnation de Nödtveidt mais le groupe d’un artiste à suivre de très près : Steffen Kummerer. En effet, après avoir promené ses six (chez Helfarht) ou quatre cordes (Black Horizons) au sein de plusieurs formations de série B, ce multi-instrumentiste a commencé à se faire remarquer en usinant un très grand Death Metal technique avec Obscura, dont le Cosmogenesis fut une des meilleures salves de 2009. C’est aujourd’hui sous la bannière nostalgique, mais pas passéiste, de Thulcandra qu’il est en passe de s’imposer auprès de la chapelle noire.
Car cette première offrande, qui voit enfin la nuit après plus de sept ans d’existence, s’avère être tout simplement le disque que tous les fans de Dissection attendaient depuis Storm Of The Light’s Bane en 1995. Visuel d’un bleu macabre comme à la grande époque du Black/Death des années 90, titres de morceaux pour le moins évocateurs ("Night Eternal", "Frozen Kingdom") et reprise ("The Somberlain") quasi obligée de ce qui est plus qu’une influence mais une véritable matrice, permettent à cet album de raviver tout un pan du métal extrême.
Hommage plus que simple photocopie, Fallen Angel’s Dominion réussit surtout l’exploit d’exister également par lui-même. Cette capacité, il la doit à ce sens aiguisé de la composition dont se font fort ces Allemands qui signent une brochette de perles noires tout plus grandioses les unes que les autres. Basées sur des riffs froids, tranchants, pollués par un son grésillant, qui parfois laissent la place à quelques arpèges mélancoliques ("Frozen Kingdom"), ces morceaux galopent à travers des terres glacées où souffle le blizzard.
Emportés par une cascade rapide ("Legions Of Darkness" par exemple), ils sont guidés par des mélodies obsédantes qui creusent dans la chair des saignées profondes, à l’image du sublime "Night Eternal", que précède une intro fabuleuse ("In The Realm Of Thousand Deaths"). Thulcandra renoue avec ce sens du riffing à la fois épique et evil immortalisé par Dissection, comme le démontre l’entame inoubliable de "Spirit Of The Night". Même le court instrumental égrené par un piano douloureux, vous filent des frissons par sa sobriété mortuaire.
Certains argueront que Fallen Angel’s Dominion manque d’originalité et ne fait que s‘attribuer une recette inventée par d'autres. Peut-être. Mais qu’est que c’est bon d’entendre ces furieuses cavalcades noires d’une redoutable efficacité (écoutez "Everlasting Fire" et vous comprendrez !), vous (re)plongeant dans une période où tout était encore à créer. Thulcandra vient de frapper un grand coup dans le Landerneau du Black Metal en signant ni plus ni moins qu’un des meilleurs albums du genre de l’année 2010 et ce faisant confirme le talent, jusque là bien caché, de son leader Steffen Kummerer.