Signé chez Relapse, où il parait aussi à l’aise qu’une bonne sœur au Sexorama de la place Pigalle, Zombi ne noue en fait que peu de liens avec le métal pur jus. Non, la musique que tètent Steve Moore et A. L Paterra, est davantage à rechercher du côté du progressif entièrement instrumental, vers le trip Space Rock et les bandes originales de films concoctées par Goblin (le Zombie de Romero, justement : ça ne s’invente pas !) et surtout John Carpenter (Halloween…). Bref, pour beaucoup cela se résume à de la musique d’ascenseur… Mais d’autres y voit, à juste titre, une démesure orgiaque où la virtuosité et beauté se conjuguent.
Troisième effort longue durée de l’hydre à deux têtes, Spirit Animal s’inscrit dans la continuité de Cosmos (2004) et Surface To Air (2006). Au programme, cinq échappées faisant parfois plus que voisiner avec les dix minutes au compteur et enracinées sur un socle synthétique, assemblage de couches de claviers et autres synthétiseurs qui dégoulinent de toute part. Ceci dit, batterie, percussions, guitare et basse ne sont pas en reste ("Earthly Powers"), arc-boutants certes plus discrets mais soutenant efficacement une architecture issues des années 70/80 où tous les éléments se mélangent, fusionnent en un tout plus digeste qu'il n'y parait de prime abord car les deux musiciens savent imprimer beaucoup de rythme à leurs effusions instrumentales.
Si le style du groupe est clairement reconnaissable, pour autant, Zombi continue de travailler, de façonner sa musique complètement anachronique. Ainsi, il pousse jusqu'au paroxysme son art de la répétition hypnotique, accède à une espèce de beauté métaphysique, il diversifie son expression (Mellotron, ambiances plus liturgiques…) et accentue ses traits les plus rock ("Cosmic Powers") voire les plus lourds, comme en témoigne le sombre et démentiel "Through Time" et ses 17 minutes de folie sur lesquelles planent l'ombre de Klaus Schulze et qui meurt lentement ; deux titres en forme d’apothéose après un début d’album tout aussi réussi mais probablement moins surprenant ("Spirit Warrior"). Avec classe, puissance et émotion, Zombi exalte tout un pan de la musique progressive, celle-là même qui a conduit au déclin du genre dans la seconde moitié des années 70.
Ceux qu’horrifient les déluges de notes et la suprématie des claviers peuvent se pincer le nez et se boucher les oreilles. Par contre les amateurs de synthés qui galopent de partout mais de manière lancinante, eux, ne pourront que prendre leur pied. Doté de compositions plus fortes que ses divers prédécesseurs, Spirit Animal peut sans hésiter être considéré comme le travail le plus abouti de ses géniteurs. Pourtant ses aînés, Cosmos surtout, se révélaient déjà remarquables, c’est dire toute la valeur de cette nouvelle offrande moins aérienne et plus terreuse.