Les premières ébauches de l’album éponyme du groupe Oort datent d’avril 1994 ! Contraint par de nombreux changements de line-up de différer sans cesse la parution de leur opus, les Bretons ont eu le temps de peaufiner leur style...
Soit donc un quintet de copains dans une formation assez classique (le chanteur, Jean-Luc Spehner, officie également à la flûte), qui s’est adjoint pour certains titres le concours d’un violoniste (Yann Emery, sur ‘Le Ciel se Vide’ et ‘Echo Sans Retour’). Le style évolue dans un registre progressif où le chant tient la première place, avec des textes d’orientation poétique.
Côté musique, les arrangements aériens sont plutôt de mise, même si le groupe ne rechigne pas à s’aventurer dans les rythmes plus rock (‘Choc’, ou la section médiane de ‘Le Ciel Se Vide’). Le son est très propre, avec notamment un travail très précis à la batterie, et la mise en place des lignes d’accompagnement fait preuve d’un grand soin. Côté solos et envolées instrumentales, les amateurs resteront plus sur leur faim, Oort préférant privilégier la répétition des lignes musicales en les agrémentant (une sorte de transe planante, en somme) plutôt que de dégager de vastes soli ; la fin du ‘Ciel se Vide’ est assez démonstrative à ce sujet, avec une guitare plaçant des fioritures assez en arrière : pas désagréable, mais manquant finalement d’envolées.
Côté chants et textes, la situation est plus complexe. Indéniablement, Oort doit beaucoup de son originalité à la personnalité de son chanteur. Son timbre clair rappelle celui de Roger Hogdson, ou celui de certains chanteurs néerlandais (Erwin Boerenkamps de Ricocher) ou belges (Bart Schram de Mindgames), avec ce côté un peu théâtral qui peut soit plaire, soit agacer.
Les textes quant à eux versent dans la poésie française, avec une recherche affectée qui finit par prêter à sourire ; sans nier la somme d’implication et le travail d’écriture, une simplification des propos serait fort profitable à l’écoute. Passe encore qu’il soit largement sujet d’amour, de corps énamourés, d’élans voluptueux, transparences enivrantes, etc... ‘Choc’ fait exception en la matière, avec son propos plus socialo-politique, mais si on le rapproche de l’excellent ‘On Nous Ment Comme On Respire’ du dernier Lazuli qui discourait sur un sujet voisin, on peut mesurer le gouffre qui existe. Oort a en effet la maladresse d’abuser des grandes phrases creuses et aphorismes à petit budget : “les anges ouvrent les pages de l’espace, balancent sur leurs ailes les bouts de temps qui passe” “A quoi sert de longer les murs si ton corps est dur comme le roc ?” “On ressent tous quelque chose mais on attend tous autre chose du temps” . Tous ces propos, assez abscons et difficiles à suivre sur tout un titre, chantés -très justement- avec force maniérisme rendent l’écoute rapidement irritante. Dommage, car le timbre de Jean-Luc Spehner paraît très adapté à porter les mélodies, mais c’est le texte bavard qui a été privilégié dans ce premier album.
Avec les qualités “d’ambiances” qui sont les siennes, et avec une réorientation dans la manière de placer ses textes, Oort aurait le potentiel pour nous délivrer un bon opus. Ici, le groupe s’est perdu dans un verbiage pseudo-intellectuel et l’auditeur en ressort courroucé et vaguement frustré... Dommage...