Mike Vennart avait prévenu, le prochain Oceansize serait leur disque le plus extrême. Il y a une infinité de manières de prendre et comprendre cet épithète mais deux probables quand on connait la musique des mancuniens. D’une part, Oceansize c’est un coté atmosphérique qui domine largement et qui est parfaitement rendu par l’incroyable alchimie des trois guitaristes, ensuite, c'est la puissance et l’énergie du rock alternatif anglais qui représente la deuxième facette du groupe.
Le précédent album, Frames, mettait encore une fois en application la recette avec un fort côté symphonique et des titres longs mais accessibles. Trois ans après Frames, c’est non sans une certaine émotion que votre serviteur place Self Preserved While The Bodies Float Up (Moi préservé pendant que les corps flottent) dans son lecteur, intrigué par la magnifique pochette au dessin noir et blanc. On remarque d’emblée que ce disque est le plus court de la discographie des anglais et que deux titres seulement se permettent d’aller au-delà de huit minutes. Le reste tient entre trois et cinq minutes.
L'album démarre fort avec « Part Cardiac » (clin d’œil au groupe dont est fan Mike Vennart ?) qui voit les grosses saturations et les rythmiques lourdes envahirent l’espace. Sur ce titre, le terrain est connu avec de superbes mélodies vocales malgré une lourdeur rythmique pesante. S’enchainent deux morceaux rapides et puissants, « Superimposer » et «Build Us A Rocket Then… », d’une incroyable richesse pour le premier et d’une densité étonnante pour le second. Le travail à la batterie de Mark Heron sur « Build Us A Rocket Then… » est tout simplement stupéfiant et il confirme sa place dans le tiercé de tête des trois batteurs les plus intéressants du rock progressif moderne.
En ce qui concerne les morceaux qui développent de la puissance et de l’énergie pure il n’y a guère que le très alternatif « It’s My Tail And I’ll Chase It If I Want You » en huitième piste pour contenter les attentes. A noter l’intervention de Simon Neil sur ce dernier, pour un résultat explosif qui sonne comme du Biffy Clyro. L'influence de ce dernier groupe extrêmement talentueux et de plus en plus en vue est d'ailleurs notable sur certains morceaux comme "Pine" par exemple.
Le reste de l’album se place sur un autre plan, plus surprenant celui-ci.
D’abord avec « Oscar Acceptance Speech » et « A Penny’s Weight », deux titres qui rappellent très fortement la pop électro des excellents danois de Mew avec une voix plus éthérée que jamais pour Vennart et une ambiance générale très synthétique. Autour de ce noyau d’énergie pure et de ces deux titres atypiques c’est le Oceansize atmosphérique qui prévaut. Le summum intervient à l’occasion de « Silent/Transparent », un des meilleurs titres de l’album dont le travail harmonique sur les voix n’est clairement pas étranger à la réussite de ce morceau. « Ransoms », « Superimposter » et « Pine » sont trois autres compositions très mélodieuses et riches en émotions mais le format très classique sans l'originalité dont nous avait habitué les anglais peut créer une certaine déception.
Comme pour chaque nouvel album du groupe, Self Preserved While The Bodies Float Up réserve quelques surprises mais celui-ci convainc pas totalement, notamment en termes de folie et de fureur, marques de fabrique des anglais dès le chef d'oeuvre Effloresce et qu'ils ont de plus en plus canalisé et édulcoré au fil des albums. La qualité est clairement là (et bien au dessus de la majorité des disques du même style) mais le côté extrême n’est pas evident. Intervient-il plutôt dans cette propension nouvelle à raccourcir les morceaux pour leur donner cette densité si palpable ? Quoiqu’il en soit, ce disque est plus hermétique qu’il n’y parait car s’il reste relativement décevant aux premières écoutes il se révèle au fil des tentatives suivantes. On conclura en disant que la seule satisfaction incontestable vient du travail vocal de Mike Vennart. Pour le reste vous en jugerez par vous-même.