Troisième côté d’un triangle finlandais de la musique bizarroïde avec Aarni et Jääportit, dont on retrouve sur cette nouvelle offrande en tant qu’invités les maîtres à penser, Umbra Nihil reste peut-être le plus accessible du lot (tout est relatif).
Un split avec Aarni en 2002, un premier album – le labyrinthe Gonia – en 2005 et aujourd’hui The Borderland Rituals. Autant dire que le projet prend son temps. On lui pardonne car peu à peu ces mystérieux musiciens bâtissent une œuvre singulière et unique. Celle-ci braconne sur les terres du Doom, auquel elle emprunte la lourdeur, la lenteur des rythmes dont le vecteur sont ces guitares pesantes et épaisses, ainsi que le goût pour les longues plages qui voisinent souvent avec les dix minutes au compteur et une certaine mélancolie sourde.
Mais pour Umbra Nihil, le Doom ne constitue qu’un socle qu’il transcende, dépasse et auquel il greffe des influences qui sont à chercher ailleurs, vers le rock progressif (on pense beaucoup au King Crimson du début des années 70) et d’une manière générale vers toute la scène psychédélique de la fin des sixties. Le mariage est étonnant et en rebutera certainement beaucoup, à l’image d’un chant étrange qui ne sert jamais de vigie à laquelle se raccrocher pour l’auditeur, bien au contraire.
Pourtant, ces cinq pistes sont pourvues d’une beauté hypnotique immense, notamment quand le groupe élève son art vers des contrées cosmiques. Lourdes, les guitares peuvent également être des pistes de décollage superbes. La seconde partie de "Welcome To The Borderland" témoigne de cet aspect planant d’un album qui semble suivre un fil d’Ariane brumeux. Le nom des titres suggère cette continuité tout comme leur enchaînement.
Assez différent de Gnoia, The Borderland Rituals n’en est pas moins tout aussi passionnant à suivre, quand bien même il n’est pas toujours aisé de suivre les Finlandais justement. Le terminal "The Sign Of Death" est par exemple un véritable voyage aussi hallucinant qu’halluciné, un maelström de sonorités parfois aux confins de la cacophonie et qui s’achève sur des atmosphères astrales dues au talentueux Tuomas M. Mäkelä de Jääportit. Mais une fois bien au froid dans ces longs couloirs tarabiscotés, leur richesse se dévoile progressivement. Un morceau tel que l’instrumental "Sea Of Sleep" est ainsi une vraie merveille à découvrir grâce à de nombreuses haltes.
Beaucoup ne partageront pas cette opinion, mais on peut considérer encore une fois The Borderland Rituals, à l’instar de son aîné en son temps, comme un joyau incontestable. Bizarre certes, incohérent par moment, peut-être, mais il est une de ces créations qui sait explorer l’espace, ce qui n’est plus si fréquent de nos jours et rien que pour cela, il mérite une attention certaine.