Commençons par une petite mise au point. Si, sur la papier, Weight of Coronation se présente comme la carte de visite de Horn Of The Rhino, cet album est en réalité le troisième du trio espagnol qui a débuté sa carrière en 2004 en se baptisant tout d’abord Rhino avant de devoir modifier son nom pour des raisons légales.
Cette précision vaut son pesant de plomb car elle explique en partie le très haut niveau de cette galette, dont les déjà écrasants Breed the Chosen One (2007) et Dead Throne Monarch (2008) ont préparé le terrain. Un terrain lourd, charriant des blocs de magma gigantesques. La musique de Horn Of The Rhino est à l’image de l’animal qui a inspiré son appellation : pachydermique et quasi préhistorique, monumentale et pesante. Comment d’ailleurs ces trois lascars armés seulement de trois instruments, réussissent-ils à élever un édifice aussi tellurique ?
Aux confins du Doom vélu, de Motörhead et du Thrash des cavernes, Weight Of Coronation écrase tout sur son passage, séisme d’amplitude maximale sur l’échelle de Ritcher que propulse une basse directement reliée aux entrailles de la Terre. Le son assez rustre, sans affèterie, procède également de cette rudesse. Prenez par exemple, « Speaking In Tongues », introduit par des riffs graisseux coulés dans la boue ; il s’agit d’une colossale pièce de plus de sept minutes, mastodonte à même de faire trembler les murs.
Une impression d’ inexorabilité, de fatalité poisse tout du long ce disque en forme d’enclume rocailleuse, trempée dans le désespoir le plus profond. A l’image du monstrueux « Sovereign », que rehaussent des nappes de claviers liturgiques seventies. Javier Galvez y est époustouflant avec son chant haut perché qui semble abriter tout la tristesse de l’humanité.
Loin du monolithisme auquel le genre est à tort associé, Horn Of The Rhino sait toujours diversifier ses postures, quand bien même c’est la lourdeur granitique qui prime. Parfois rapides et rageurs (« Throats In Blood »), nourris au Stoner (« Brimstone Breath ») ou plus sabbathiens que le roi (« Southern Beast »), ces titres sont néanmoins tous taillés dans un Golem de matière terreuse d'une belle démesure, que la longueur générale n’aide toutefois pas à ingurgiter, le sommet étant atteint avec les douze minutes que dure « Crushed and Dragged To the Swamp », infernale excavation dans une mine de charbon, qu’éclaire cependant de fugitives lignes de guitare mélodiques en son milieu.
Vous l’aurez compris, Weight of Coronation ne s’adresse qu’aux amateurs de musique de mammouth. Les autres n’y verront probablement qu’un heavy metal gras comme un mauvais cassoulet. Tant pis pour eux. Les Espagnols assoient encore un peu plus leur suprématie et leur style qui n’appartient qu’à eux, sorte de réponse européenne aux bûcherons américains, la chaleur de la roche chauffée au soleil en plus.