Le temps fait décidément bien les choses. Après huit années de silence radio dans nos écouteurs, nous empêchant ainsi de subir la médiocrité communément admise des albums sortis après le convaincant "Untouchables", voilà le dernier bébé des Californiens conçu, selon le groupe, comme un certain retour aux sources mais aussi avec un changement notable de line-up.
La question reste souvent la même avec Korn avec le temps qui passe : après plus 15 ans d’existence, quelle reste la légitimité d’une formation usant encore d’un style qui s’est désagrégé depuis de nombreuses d’années ? Korn n’a pas su évoluer fondamentalement et tente en plus une régression vers des périodes où son fond de commerce connaissait ses plus beaux jours. Pari risqué. Pour se faire, le trio d’origine a fait appel à du sang frais du nom de Shane Gibson pour la partie guitare, et Ray Luzier derrière les fûts. Déjà intégrés au groupe pendant les tournées, les deux nouveaux venus font leurs premiers pas en studio avec les dinosaures du néo-métal.
On pourrait rajouter un nouveau producteur et un nouveau label avec respectivement Ross Robinson (Machine Head, Limp Bizkit, Slipknot… ) et le géant Roadrunner comme ré-orientation, mais au point de vue musical, Korn opère un virage à 360 ° pour revenir à ses anciens amours laissés depuis "Untouchables". Pour ainsi dire, peu d’atmosphères glauques remises au goût du jour (quoique que le final de "Are You Ready To Live?" laisse planer une sensation de souffrance, au moins morale, mais ce sens de la mélodie facile sur les refrains et des couplets plus tarabiscotés grâce notamment au chant souvent abstrait de Davis (comme sur l’extravagant “Lead The Parade ”).
La production propre comme un bolide neuf rend de toute façon l’objet moins spontané et moins rugueux, et bien que quelques passages dévoilent l’ombre sinistre de leur début, difficile alors de revivre les ambiances du tout premier Korn. Mais plus gênant, l’album, par une tendance au mimétisme des morceaux, peut parvenir à essouffler l’attention sur toute sa longueur. Qu’importe, des titres comme “Oildale (Leave Me Alone) ”, “Pop A Pill” ou encore “Holding All These Lies” imposent leur cadence soutenue, orchestrée par les coups de Ray Luzier qui fait chauffer ses peaux avec une vraie et belle conviction.
Korn, nouvelle mouture, n’a donc pas grand chose de nouveau à dire mais ne manque pourtant pas d’un certain intérêt. A ce titre, il se pourrait que les fans déçus par les fadeurs précédentes reprennent du poil de la bête et se laissent tenter par ce nouvel opus. Quant aux autres, découvrir les énergumènes par "Korn III" ne serait pas non plus une si mauvaise idée.