"Black Rain" avait surpris tout le monde, révélant un Ozzy dans une très grande forme que nous n'espérions plus. Autant dire que l'épisode du remerciement du fidèle Zakk Wylde, présent aux côtés du Prince des ténèbres depuis 1988, a fait l'effet d'une bombe. Ozzy pouvait expliquer de son côté qu'il souhaitait éviter que sa musique ne devienne trop proche de celle de Black Label Society, et Zakk affirmer qu'il restait toujours le plus fidèle ami du Madman, le sentiment majoritaire était à la crainte d'une dégringolade incontrôlée à l'occasion du prochain opus, d'autant que le poste de guitariste était confié à un Gus G. certes talentueux, mais dont la jeunesse n'était pas pour rassurer tout le monde.
Composé dans sa quasi-intégralité par Ozzy et Kevin Churko, producteur de l'album, "Scream" déboule sur nos platines et a vite fait de nous remettre les idées en place. En effet, même si sa voix est régulièrement arrangée, Ozzy nous apparaît en grande forme, variant son chant et y impulsant le dynamisme nécessaire. La production est lourde et puissante, renforçant le côté sombre de la plupart des titres, tout en incluant quelques arrangements du meilleur effet comme le piano et les cordes d'un "I Want It More" mariant un riff heavy tranchant et des sonorités gothiques. S'il reste quelques titres dispensables quoi que de bonne qualité ("Fearless", "Latimer's Mercy"), dans sa grande majorité, "Scream" tape fort et juste, et est à la fois varié et cohérent.
Cohérent car manœuvrant dans des eaux sombres et profondes, mais varié comme les rivages aperçus au sein des différents titres, parfois progressif ("Let It Die"), parfois indus ("Let Me Hear You Scream" et son refrain hyper catchy), parfois doom ("Soul Sucker" aussi lent que menaçant), parfois mélodique (la ballade "Time" qui ne sombre jamais dans le sirupeux), mais toujours Ozzy, mélangeant même plusieurs couleurs au sein du même titre. Car si Ozzy n'œuvre pas dans le progressif, ces morceaux sont souvent l'occasion de changements de tempo bien sentis, comme ce "Diggin' Me Down" à l'introduction acoustique, enchaînant sur un riff lourd et mélodique, et doté d'un break tout en ambiance sur lequel Ozzy questionne Jesus Christ. Nous n'oublierons pas non plus un "Crucify" à la montée en puissance et au refrain irrésistible renforcés par quelques claviers aux sonorités modernes du meilleur effet.
Les inquiétudes, si elles pouvaient se comprendre, n'en étaient pas pour autant fondées. Ozzy et son équipe remaniée, au sein de laquelle Gus G. semble avoir trouvé sa place, mettant sa technique au service de la musique et du maître des lieux, nous offre un album fort réussi. "Scream" se positionne comme la suite logique et rassurante de "Black Rain" et laisse augurer d'un avenir où tradition et modernité continueront à faire bon ménage, d'autant que le sieur Osbourne semble se montrer en grande forme sur ses dernières prestations scéniques. Dio nous a quittés, mais Ozzy est toujours là, alors profitons-en !