Prenez d'un côté un mouvement musical, l'Aor, dont plusieurs groupes légendaires viennent de réussir leur come-back avec succès (Foreigner, Danger Danger), et d'un autre, un chanteur, Terry Brock, qui depuis quelques temps fait preuve d'une belle activité et d'un succès grandissant au sein de projets tels que Voices Of Rock, Giant ou même de sa carrière solo. Vous rajoutez un groupe qui a enchaîné quelques excellents albums dans ce style à la fin des années 80 et dont le chanteur à l'époque n'était autre que… Terry Brock, et vous obtenez une reformation à laquelle le label Frontiers n'est sûrement pas étranger.
Malheureusement, les reformations de ces derniers temps n'ont pas toute été de franches réussites et nous gardons en mémoire le come-back raté par Balance par exemple. S'il ne manque pas d'atout, celui de Strangeways est à classer aux côtés de ces derniers plutôt que de la lignée de ceux à succès. Les choses commencent pourtant très bien avec un "Perfect World", titre éponyme dynamique et entraînant dont l'Aor flirte avec le Westcoast et sur lequel Brock fait parler sa voix chaude et puissante. S'il tombe un peu tôt dans la tracklist, le mid-tempo "Borderlines" et ses ambiances aériennes nous transportent au-dessus des grands espaces celtes, alors que le cinglant "Movin On" muscle son propos avec un refrain aux accents soul-gospel. Nous retiendrons également l'émouvant "Time", la montée en puissance de "One More Day", ou l'ambiance hypnotisante de "Bushfire" avec ses sonorités moyen-orientales, même si ce dernier s'étire un peu trop en longueur.
Le problème, c'est qu'à partir de "Time", quatrième morceau de l'album, le tempo ne décolle plus. La plupart des titres pris séparément recèlent tous de qualités intrinsèques, tel le solo envoûtant de l'aérien "Crackin' Up Baby" ou le refrain direct du bluesy "Liberty", mais nous restons toujours sur des rythmes oscillant entre la ballade et le mid-tempo, ce qui entraîne l'ensemble vers une sensation globale de léthargie. L'endormissement nous guette, voir l'agacement sur un "Can't Let You Go" qui ne veut pas finir.
Sans qu'il nous soit possible de trouver de titres franchement mauvais, ce "Perfect World" n'en est pas moins une véritable déception. Si le retour de Terry Brock apporte un plus indéniable à la musique de Strangeways, le chanteur n'a semble t'il pas réussi à convaincre ses camarades de s'éloigner de la pop atmosphérique dans laquelle ils se sont empêtrés depuis son départ. Dommage lorsque l'on se rappelle la qualité de "Native Sons" et de "Walk In The Fire", ou que l'on se réfère au dernier opus solo du vocaliste. Si "Perfect World" doit avoir une suite, cela sera forcément en revenant à une formule plus dynamique. Dans le cas contraire, Strangeways est voué à continuer sa lente chute vers l'oubli.