Serafino Perugino, le boss de Frontiers, aime bien Michael Kiske, c'est évident. Après le succès des deux disques de Place Vendôme, voici que le patron du label lui a proposé cette collaboration avec la chanteuse américaine Amanda Somerville, qui vit en Allemagne depuis bien longtemps. Les morceaux ont été composés en grande partie par le bassiste allemand Matt Sinner (Sinner, Primal Fear) avec Magnus Karlsson ou bien le claviériste Jimmy Kresic pour les plus orchestraux. Somerville et Kiske ont en fait déjà chanté tous les deux sur le projet "Aïna – The Metal Opera", composé par le batteur/guitariste Robert Hunecke-Rizzo et Amanda pour toute l'histoire et les paroles en 2003 (mais sur lequel elle chantait finalement très peu). Pourtant à l'époque, les deux chanteurs ne s'étaient pas rencontrés et Michael avoue même qu'il avait oublié que la chanteuse avec laquelle il allait retravailler était celle-là même qui avait tant contribué au projet Aïna ! La chanteuse a elle-même composé trois morceaux avec Sander Gommans (After Forever) et de façon assez surprenante, deux d'entre eux sont les plus lourds de l'album !
Un album qui finalement ne l'est pourtant pas spécialement. On parle de métal mélodique, et en effet, une partie des morceaux rappelle vaguement Scorpions ou les autres titres que Magnus Karlsson a pu composer ici et là pour divers projets (l'album méconnu "The Codex" avec Mark Boals, par exemple). D'autres morceaux se situent davantage dans une sorte de métal symphonique ou tout simplement l'AOR, dans une version plutôt germanique de ce genre, sans qu'il y ait beaucoup d'influences bluesy, par exemple, sauf occasionnellement comme sur le plus agressif "Arise" (signé Somerville !).
Le groupe, dont vous pouvez lire la composition plus bas, a produit des arrangements riches en harmonies de guitares, orgues, pianos, ou synthés symphoniques. La section rythmique est solide sans être tonitruante (basse bien ronde et batterie très nette mais pas énorme). Au-delà des mélodies vocales, la plupart des morceaux recèlent de bons soli de guitares et parfois de claviers, même si ceux-ci restent assez concis. En bref, les arrangements font écho à la variété stylistique. Le son de l'enregistrement est bien clair mais assez puissant.
Parmi les morceaux plus typés AOR, deux sont des balades : le lent "One Night Burning" dirigé par le piano mais au refrain électrique, et puis le mid-tempo "Second Chance" avec une belle (mais courte) partie centrale, un peu plus lourde avec un solo de guitare enrobé d'harmonies bien riches. L'album recèle aussi pas mal de compositions rapides et accrocheuses : le heavy "If I Had A Wish", "A Thousand Suns", et les plus AOR "Nothing Left To Say" et "Rain". Mais les morceaux les plus réussis de l'album, et qui justifient à eux seuls l'achat de cet album, sont le très symphonique et lyrique "Silence", et "End Of The Road", lui aussi assez orchestral. Les deux chanteurs atteignent vraiment le sommet de leurs capacités dans ce genre plus ou moins épique !
Michael Kiske est toujours un chanteur exceptionnel dont le registre n'a rien perdu de sa largeur, ni de sa puissance. Pourtant, il chante sans esbroufe, ni effet excessif. Certains regretteront sans doute qu'il évite le plus souvent ces montées dans des aigus d'une puissance phénoménale qui l'ont rendu célèbre il y a bien longtemps chez Helloween, mais son timbre médium ou même grave est tout aussi reconnaissable et plaisant. Les quelques titres symphoniques lui donnent aussi d’avantage l'occasion de pousser sa voix. Amanda Somerville est elle aussi une chanteuse très versatile (elle l'a prouvé notamment sur son album solo sorti en autoproduction deux ans plus tôt). Sa voix, très bien placée dans un registre alto, profonde et ample, s'accorde particulièrement bien avec celle de Kiske. Là encore, ce sont les morceaux les plus ambitieux, plus orchestraux qui la mettent en valeur.
Sans vouloir rien révolutionner, le projet Kiske/Somerville est un disque rafraîchissant, sans excès, ni grande complexité, mais varié et mélodiquement inspiré. A quand le prochain avec, espérons-le, davantage de titres symphoniques ?
ND : Le disque sort en édition spéciale avec un DVD bonus contenant les deux clips vidéos tournés pour "Silence" et "If I Had A Wish", plus les coulisses de la réalisation de l'album.