Cinq années séparent ce nouvel album studio de Hawkwind du précédent, le correct mais inégal "Take me to your leader"... Et avant, il fallait remonter encore bien plus en arrière jusqu'au très moyen "Distant horizons" de 1997… Hawkwind semblait toujours un groupe à entendre en live bien que vraiment décevant et moribond en studio. Mais ce nouveau disque, pour lequel un soin particulier a été apporté, est là pour remettre le groupe sur le devant de la scène. Du moins le semble-t-il avec cette illustration rappelant certaines des grandes heures du groupe, notamment la période allant de 1972 à 1985 (je sais que certains fans des années 70 feront la grimace en voyant citées les années 80, plus axées sur un heavy metal mêlé de space rock).
La formation a encore évolué ces dernières années avec le recrutement d'un guitariste/bassiste, Niall Hone, dont le style rappelle de toute évidence celui de Huw Lloyd-Langton (qui fut le guitariste des tout débuts mais avant le premier album, puis de 1979 à 1988) et le retour de Tim Blake (Gong, Crystal Machine) aux claviers, en remplacement du regretté Jason Stuart. Le violoniste Jon Sevink qui complétait récemment le groupe en live ne joue pas sur l'album (même si l'on entend un violon sur un morceau !).
"Blood of the earth" montre clairement que le groupe conserve son goût pour les synthés aux sons futuristes de tout poil avec d'innombrables nappes, volutes tourbillonnantes et autres bourdonnement et cliquetis bizarroïdes, tout en remettant l'accent sur son côté rock avec des guitares plus lourdes.
L'album part avec "Sea hawks", quasiment instrumental et répétitif, où des synthés et la rythmique martèlent un motif très simple sur lequel quelques guitares électriques tissent des parties solistes, mêlées de bruitages électroniques. Style classique des années 80 pour le groupe mais un morceau plus rock et plus accrocheur aurait mieux convenu pour une ouverture. Le titre s'enchaîne avec le morceau éponyme, une belle pièce atmosphérique uniquement basée sur des synthés et des bruitages électroniques avec la voix trafiquée de Brock.
Clairement, Dave Brock ne semble plus motivé pour composer… Comme il l'a déjà fait plusieurs fois, le guitariste fait reprendre au groupe un de ses vieux classiques, le très rock "You'd better believe it" issu du fameux "Hall of the mountain grill" de 1974 et dont la version originale était live (Hawkwind est un des rares groupes à avoir placé sur ses albums studio quelques morceaux inédits enregistrés en live !). Celle-ci comporte une petite improvisation centrale inédite avec piano électrique et percussions ethniques. Entre ce titre et le plus méconnu "Sweet obsession" (un morceau bien rock et entêtant au rythme linéaire rapide issu de "Earthed to the ground", son album solo de 1984) il ne reste que les deux premiers titres et le très électronique "comfy chair" aux synthés venus d'ailleurs, un morceau planant comme le groupe pouvait en faire dans les années 80, en alternance avec son côté plus heavy.
Heureusement, Brock a ici des musiciens qui ont pondu eux-aussi de bonnes chansons, et qui plus est, dans un style tout à fait similaire à ce que la formation a fait de mieux depuis plus de 35 ans. Et en effet, le troisième titre "Wraith" est un gros boulet de space metal bien heavy signé par les 4 autres musiciens. Le quatuor signe aussi "Prometheus", un morceau au tempo moyen avec échantillons de sitar, guitare rythmiques plombées et solos aériens, et le lent et majestueux titre final "Sentinel", plus mélancolique.
Le claviériste Tim Blake (Gong, Crystal Machine), qui avait déjà joué à plusieurs reprises chez Hawkwind, signe aussi un morceau assez rock et orientalisant "Inner visions", qui sonne comme un classique du groupe, façon "Hassan I Sabbah " ! Enfin, parmi les autres meilleurs moments, n'oublions pas "Green machine", un deuxième instrumental planant absolument superbe signé par Niall Hone, arrangé pour synthés et guitare solo.
L'album a beau avoir beaucoup de points forts, il reste que la production n'est pas toujours au top. La batterie est par exemple parfois noyée dans le mixage. De façon assez surprenante le son manque donc parfois de clarté, un défaut récurrent chez Hawkwind. Autre regret : que Dave Brock ne chante pas lui-même tous les morceaux, notamment "Sentinel" (avec des parties vocales gutturales un peu approximatives). Notre homme saura-t-il un jour qu'il est le meilleur chanteur et de loin que le groupe ait jamais eu ?! Brock chante naturellement juste et sa voix, qu'il traite toujours de la même manière avec écho et réverbe, convient à merveille à ce space rock qu'il a inventé. Les autres (Mr Dibs et Blake surtout) font ce qu'ils peuvent mais ce n'est pas toujours assez convaincant.
Néanmoins, après les errances des années passés, "Blood of the earth" témoigne d'une remontée certaine pour Hawkwind. A ce titre, l'édition spéciale est vraiment celle qu'il faut acheter et c'est celle-ci qui mérite un 8/10 : double CD en digisleeve, avec les CD imitant de bons vieux disques vinyles noirs (y compris la face lisible !), livret grand format de 24 pages, le tout dans un coffret cartonné. Mais ce n'est pas seulement dans cet emballage luxueux que réside le principal intérêt de cette édition : le CD bonus contient environ 40 minutes de titres enregistrés récemment en live avec le violoniste invité Jon Sevink. Ce live qui contient des versions rallongées et réarrangées de grands classiques comme "Angels of death" et "Magnu". Enfin, il propose également un morceau inédit ainsi qu’une interview.