Le moins que l'on puisse dire, c'est que "Turbo" aura fait débat au sein de la communauté métallique. Même s'il restait d'une qualité supérieure à la moyenne, ses atours mélodiques et synthétiques étaient loin de faire l'unanimité. Ajoutez à cela un "Live" sur lequel le Priest a commis le crime de lèse-majesté de ne pas inclure tous ses hits, et de passer par la case studio pour réenregistrer certains passages, et vous avez un groupe culte qui vacille sur ses fondations.
Si ce "Ram It Down" commence sur les chapeaux de roue avec le cri strident de Rob Halford lançant un titre éponyme cinglant comme l'éclair, propulsé à la double-pédale et doté d'un solo incendiaire, la suite n'en est pas moins bancale. Coincé entre son envie de poursuivre les expérimentations de "Turbo" et le besoin de retrouver les éléments qui ont forgé sa réputation, Judas Priest alterne le très bon et le dispensable, même si Halford est une nouvelle fois impérial, au même titre que la paire Tipton / Downing dont les riffs et soli rendent intéressant le moindre titre moyen à la base. Il n'en est pas de même d'un Dave Holland qui, en plus d'être desservi par un mix insistant sur sa caisse claire, montre également ses limites lorsque le tempo s'accélère un peu trop ("Hard As Iron").
Porté par le génie de ses trois têtes pensantes, Judas Priest réussit donc à éviter le naufrage, nous offrant au passage quelques nouveaux joyaux pour sa couronne, comme le titre éponyme déjà évoqué, un "Heavy Metal" bien nommé, basique et efficace, et un magistral "Blood Red Skies" montant en puissance sur près de 8 minutes au milieu d'une ambiance crépusculaire. A noter également l'irrésistible reprise survitaminée du "Johnny B. Goode" de Chuck Berry. Autour de cela, le combo de Birmingham balance entre des riffs certes efficaces mais par trop évident ("Come And Get It"), voire caricaturaux ("Love You To Death") qui auraient pu figurer sur "Turbo", et des tentatives de retour vers "Screaming For Vengeance" (le synchopé "Love Zone") et "Defender Of The Faith" (la copie trop conforme "Monster Of Rocks"), "I'm A Rocker" s'avérant carrément dispensable.
Il va donc falloir que Judas Priest prenne une décision quant à la direction musicale à suivre, sous peine de finir par tourner en rond. Ayant visiblement pour objectif de rassurer sa fan-base, le quintet n'en a pas moins accouché d'un opus à la limite de la cohérence et qui, s'il réussi à ne jamais sombrer, doit essentiellement son maintient à flot à quelques titres au-dessus de la moyenne et l'interprétation de haut-vol de ses principaux leaders.