Van Halen fait partie de ces groupes qui refusent d'enchaîner les albums sur le même modèle. En effet, si "II" était constitué de chutes de "I", "Women And Children First" était une véritable explosion, que cela soit au niveau de son interprétation ou celui de la créativité. Quand un groupe vient d'imposer son style en 3 albums, il lui est souvent difficile de passer à la suite en faisant toujours preuve d'inventivité, sans pour autant trop désarçonner le public qu'il a réussi à capter dans ses filets. Le débat semble avoir fait rage au sein de Van Halen entre un Edward partisan d'une évolution plus commerciale et accessible, et un David Lee Roth souhaitant continuer à pousser l'expérimentation plus loin, le producteur Ted Templeman faisant office de médiateur entre les deux leaders aux caractères aussi trempés que talentueux.
Et dans le cas du nouveau rejeton du fantasque quatuor, c'est la ligne du petit génie de la 6 cordes qui semble l'avoir majoritairement emporté. En effet, en dehors d'un "Push Comes To Shove" sensuel et feutré, et à la basse disco-funk, et d'un final composé de l'instrumental électro-expérimental "Sunday Afternoon In The Park", s'enchaînant directement sur le cinglant électro-punk d'un "One Foot Out The Door" composé d'un seul couplet et refrain débouchant sur un solo décoiffant, les deux tiers des titres restant sont beaucoup plus sages, même s'ils gardent la patte Van Halen. Les soli d'Edward restent aussi surprenants et époustouflants, et les structures sont toujours faussement simplistes, souvent dotées de breaks aussi inattendus qu'efficaces.
Le début d'album semble la parfaite bande-son d'une virée en décapotable le long des plages californiennes avec un "Mean Street" au solo introductif sur lequel Edward marque son territoire avant que DLR reprenne son rôle de showman hors du commun, en particulier sur un "Dirty Movies", groovy et sexy. Et si la tracklist est moins déjantée que sur "Women And Children First", elle y gagne en cohérence ce qu'elle perd en spontanéité, sans pour autant sombrer dans l'ennui, loin de là. Les refrains sont accrocheurs ("Hear About It Later"), les tempos parfois survoltés ("Sinner's Swing"), voire vifs et rafraîchissants ("So This Is Love ?"), alors que "Unchained" s'impose comme le tube de l'album, confirmant au passage une formule qui touche au but à chaque fois avec un Edward virevoltant, un Roth hâbleur, un Anthony maltraitant sa basse pour la faire ronfler aussi bien que grogner, un Alex injustement sous estimé, et des chœurs à l'effet immédiat.
S'il semble à la fois plus évident et plus maîtrisé que son prédécesseur, "Fair Warning" n'en est pas moins un nouvel album incontournable de la discographie de Van Halen qui enchaîne les réussites sans faux-pas depuis son début de carrière. Reste que les dissensions qui commencent à voir le jour peuvent laisser craindre des lendemains moins rayonnants. En attendant, il serait dommage de ne pas profiter de ce nouveau recueil de titres incontournables.