Depuis la sortie de Ever Changing Times, la vie de Steve Lukather s’est recentrée sur sa carrière solo. En effet, quatre mois après la sortie de son album, Luke annonçait qu’il quittait le groupe qu’il avait formé et qui l’a rendu tellement célèbre: Toto. La conséquence de ce départ fut radicale pour le groupe avec l’arrêt pur et simple de son existence. Une tournée estivale en 2010 ranime la flamme, mais ce n’est juste qu’une occasion de retrouver d’anciens membres et surtout lever des fonds pour venir en aide financièrement à Mike Porcaro atteint de la maladie de Charcot. Fort de son émancipation, Luke peut se concentrer sur sa propre musique et c’est donc un nouvel album qui voit le jour, un peu plus de deux ans après Ever Changing Times. Malgré tout, ce disque a été inspiré dans une période très perturbée pour Steve Lukather, d’où l’ironie du titre (All’s Well That Ends Well) avec la succession de divers problèmes personnels.
Cet album est relativement court (47 minutes) et réunit encore une fois bon nombre de musiciens qui ont accompagné Luke dans sa vie d’artiste. Ever Changing Times était le témoignage du Steve Lukather encore sous l’inspiration du dernier Toto, à savoir un rock mélodique proche de sa période Candyman. On sait les multiples influences de ce génie de la guitare (du blues au rock en passant par le jazz-rock Westcoast), et la question de l’orientation de ce disque se pose inévitablement. All’s Well That Ends Well est assez différent de son prédécesseur, et synthétise mieux ce qu’a été la carrière du Californien, c’est-à-dire un touche à tout du rock moderne.
L’album débute sur une ambiance très quiète qui va rapidement accoucher d’un morceau mid-tempo assez rock, à la croisée du rock mélodique développé dans l’album précédent et des aspirations Westcoast de Luke. C’est d’ailleurs une des caractéristiques de ce disque : une part plus grande faite à sa passion pour le jazz-rock sucré de l’Ouest américain que l’on a pu entendre dans Los Lobotomys par exemple. Moins de démonstrations techniques dans All’s Well That Ends Well et paradoxalement plus de difficulté à rentrer dans la substance du disque. "On My Way Home" est clairement plus ambiancé, à la limite du jazz avec un refrain plein d’entrain. On retrouve tout de même des éléments de Toto période Kingdom Of Desire et Tambu et c’est bien normal : on ne peut pas tirer un trait sur 32 ans de carrière…
Concernant les ballades, Luke a fait fort, évitant la mièvrerie dans laquelle il a parfois failli tomber. "Don’t Say It’s Over" est une superbe douceur au titre révélateur de son contenu avec un magnifique refrain agrémenté de chœurs. Les démonstrations techniques ne sont pas ce qu’on retient le plus dans cet album car Steve Lukather, avec l’aide de co-auteurs, s’est beaucoup plus impliqué dans le contenu des paroles. C’est particulièrement le cas dans l’enlevé et groovy "Flash In The Pan" (Feu de Paille) qui rend compte de la futilité de la starification actuelle. Les racines blues de Luke sont très présentes dans le morceau "Brodie’s" qui prend ses inspirations chez Jimi Hendrix. Et c’est le maitre de Luke, Jeff Beck, que l’on retrouve dans l’instrumental "Tumescent" qui rappelle les belles heures de Karizma et Los Lobotomys. Dans sa globalité, ce disque nous montre un visage assez contrasté avec une certaine pesanteur qui règne tout au long de ses neuf titres. Au sein d’un même morceau plutôt gai s’intercalent des phrases de guitares plus mélancoliques ("You’ll Remember" par exemple).
All’s Well That Ends Well peut paraitre comme étant un disque facile. Les chansons de Steve Lukather sont peut être moins complexes que par le passé mais l’écriture de cet album n’en est pas moins remplie d’un certain charme qui tient aussi de cette simplicité. C’est peut-être le disque dans lequel Luke a mis le plus de lui-même, avec les textes particulièrement dans lesquels il se raconte comme jamais. Hormis la courte durée de la galette il n’y a pas grand-chose à critiquer sur ce disque.