Peter Hammill est vraiment un drôle de personnage. Une personnalité atypique, hors norme dans son approche musicale. Ou plutôt, dans ses approches musicales, car, loin de suivre un chemin balisé, même original, il semble ne suivre que l'inspiration du moment, passant allègrement de riches thèmes progressifs aux ballades les plus intimistes, du rock le plus basique aux expérimentations les plus inattendues.
Mais jamais avant ce disque il n'avait pris une direction si différente de toutes les voies qu'il avait alors explorées. Expérimental, hermétique, dérangeant sont les premiers qualificatifs qui viennent à l'esprit. Atmosphérique, au sens où ces morceaux installent des atmosphères dans lesquelles l'auditeur s'englue et suffoque. Car, si ses précédents disques ne respiraient pas la franche gaieté, celui-ci est tout simplement oppressant.
Outre l'aspect expérimental, ce qui surprendra le plus l'adepte de Peter Hammill, c'est le peu de place laissé au chant. Trois malheureux titres (les plus courts) sont honorés de sa voix et un quatrième se voit gratifier de quelques chœurs lancinants. L'album est presque entièrement instrumental, un comble pour un artiste dont l'atout maître réside dans l'utilisation de ses cordes vocales.
Faisons un sort aux trois titres les plus expérimentaux : "Critical Mass", Endless Breath" et "The Bells ! The Bells !" sont des suites plus ou moins longues d'enregistrements de guitares ou d'orgues, coupés, retravaillés en studio, copiés en boucle, distordus. Aucune mélodie, mais un ensemble de pulsations, de bourdonnements, d'effets de réverbérations, de sons saturés. Il y a probablement une recherche artistique dans tout ça, mais plus susceptible d'intéresser un ingénieur du son qu'un mélomane. Même les expérimentations les plus osées d'un King Crimson en paraissent mélodieuses et accessibles.
Les trois titres chantés présentent plus d'intérêt. "A Ritual Mask" est très tribal. Sur fond de percussions africaines Peter Hammill se permet quelques excentricités dans les aigus, distillant angoisse et inquiétude. Un titre hors norme dégageant un réel attrait. Sur "Moebius Loop", un chant très déprimant est porté par des chœurs en échos inquiétants, désincarnés et déprimants eux aussi. Quant à "In Slow Time", il s'agit d'une version encore plus dramatique et dépressive, si cela est concevable, du titre déjà très sombre paru dans "A Black Box". Funèbre.
Enfin, "My Pulse" déroule lentement ses variations lancinantes tout au long de ses quinze minutes. Quelques notes de piano répétées à l'envie sur un fond sonore tapissé de bruits de machines et d'échos de cor inquiétants. Puis, les accords de piano se font saccadés et peu harmonieux, très contemporains. A partir de la 8éme minute, Peter Hammill introduit un thème récurrent qui sera repris plus tard dans son opéra "The Fall Of The House Of Usher". Vers la fin du morceau quelques chœurs lancinants et monocordes viennent égayer l'ensemble, avant de laisser place au thème du début. On ne danse pas, le morceau évolue lentement, par paliers, ressemblant par moment à une longue improvisation au piano. Mais le titre arrive à susciter l'intérêt, créant une ambiance glauque, laissant une impression diffuse de malaise.
Au final, "Loops And Reels" est un album inégal, mélangeant des diamants noirs (très noirs) à des bruitages auxquels il est difficile de trouver un intérêt. Ce disque a tout le potentiel pour plaire aux amateurs d'étrangetés, sans qu'ils aient besoin d'apprécier les autres productions de Peter Hammill, comme il pourra rebuter sans difficulté tous ceux qui accordaient jusqu'à présent un intérêt à ses précédents disques.