Iron Maiden aura donc mis quatre ans à proposer un nouvel album, soit le plus long délai entre deux disques pour la légende du heavy métal britannique. "A Matter Of Life And Death" avait rassuré sur la bonne santé musicale du groupe et lui avait même attiré de nouveaux fans. Depuis une longue tournée, notamment avec ses anciens grands titres, a été immortalisée sur le DVD "Flight 666".
"The Final Frontier", 15ème production du groupe en 30 ans, voit donc le jour avec Kevin Shirley toujours aux manettes. Comme à chaque sortie, un gros battage médiatique a eu lieu avec nombre de polémiques. Mais une fois le buzz passé avec les habituelles tensions entre fans conquis d’avance et nostalgiques des années 80, il reste la musique et dix titres, pour une durée encore très longue de plus de 75 minutes, et c’est bien sa qualité qu’il faut juger en mettant de côté toute querelle.
Et cette dernière est très bonne. Maiden et son principal compositeur, Steve Harris, gardent le cap emprunté depuis le début des années 2000. On retrouve ainsi un heavy métal mélodique et progressif, jouant énormément sur les ambiances, et ne cherchant clairement plus la puissance pure, avec cette fois un son correct, assez puissant et bien meilleur que sur les dernières productions. Ce "Final Frontier" ne va donc pas faire revenir les vieux fans amateurs de choses plus heavy mais il va ravir les amateurs de longues pièces à tiroirs.
Le disque est construit en deux parties assez distinctes et finalement cela l'handicape un peu. La première partie est consacrée aux titres les plus directs, la deuxième propose cinq très longs morceaux à la suite, oscillant tous entre huit et dix minutes. Voilà qui est un peu maladroit car il est en effet assez difficile de digérer d’une traite un tel ensemble alors que c’est clairement la partie la plus inspirée et aventureuse.
La première partie est fort classique pour Maiden. Le groupe connaît bien son affaire et il sait composer les chansons qui fonctionneront bien sur scène. Et de fait avec "The Final Frontier" et "El Dorado", il tient ses deux singles habituels, tout droit sortis d’un même moule efficace. Bruce fait des merveilles au chant, posé et conteur, sur "Mother Of Mercy" et "Coming Home", ce dernier renvoyant fortement à sa carrière solo avec ses airs de ballade mélancolique. Enfin "The Alchemist", due en grande partie à Janick Gers, est la seule chanson réellement heavy de l’album, et elle fait du bien de par sa pêche et son ton musical général. En fait, seule l’introduction "Satellite 15" tranche complètement avec le style Maiden en raison de sa longue durée et son aspect sombre et expérimental, et si elle ne plaira pas à tout le monde, elle a le mérite de bien introduire l’album avec une ambiance assez futuriste.
Le gros morceau est donc la deuxième partie du disque. En cinq pistes, Iron Maiden prouve à quel point les ambiances et passages progressifs lui réussissent. De plus, Bruce Dickinson, que l’on ne sent plus forcément capable de pousser très haut sa voix, est excellent dans ce registre feutré et à ambiances. De fait avec "When The Wild Wind Blows" et "The Talisman", le groupe balance deux pépites à placer au panthéon de ses grands titres. S’y retrouvent les ambiances acoustiques, celtiques et prenantes chères au sextet depuis "Brave New World". La deuxième sur près de onze minutes est particulièrement réussie. Steve Harris y signe un réel morceau de bravoure parfaitement interprété et chanté dans la lignée d’un "Blood Brothers" ou d’un "Paschendale". A côté, "Starblind" et "The Man Who Would Be King", même si moins réussis, tirent bien leur épingle du jeu. Le premier, grâce à une belle montée en puissance très épique et un premier solo très hard rock dans l’âme, alors que le second est typique du style de composition de Dave Murray avec début posé et mélancolique, accélération heavy avec refrain imparable et épique.
Iron Maiden signe donc un très solide et brillant album, véritable marque de fabrique d’un savoir-faire sans faille et d’une grande intelligence d’écriture. Le groupe continue en tout cas de prouver qu’il effectue une remarquable deuxième partie de carrière en vieillissant tranquillement et de belle manière, confirmant une certaine classe et un savoir-faire du hard rock britannique.