Dans la course au nom de groupe le plus difficile à mémoriser et donc, certainement le moins commercialement porteur, nous vous présentons les Kinky Yukky Yuppy. Ce joli nom a également comme avantage d’occulter totalement le style pratiqué par ces Normands en laissant le doute le plus complet planer quant à leur orientation musicale. En effet, si l'on imagine aisément que les Kinky Yukky Yuppy (traduisible par quelque chose approchant de Jeune Cadre dynamique, pervers et dégoûtant) ne font pas dans le Black Metal, il n’est pas évident de deviner que ceux-ci œuvrent dans un Rock énergique et massif qui pourrait renvoyer aux Foo Fighters ou à Dredg, avant de poser une oreille sur leur premier album, "Escape".
Dès "Ugly", le premier morceau, le groupe nous plonge dans un univers qui oscille entre Pop (du fait de vocaux assez légers et de parties de guitares très claires) et Rock très massif (le final propose une montée en puissance des guitares jusqu’à obtention d’un son massif et puissant). Le fait que la voix soit légèrement arrangée pourrait déranger certains, mais cet ajout, cette coloration métallique est si mesurée qu’elle contribue plutôt à renforcer la personnalité et la modernité du groupe. Il faut d’ailleurs noter que ces effets ne sont pas systématiques comme le montre "Not The Same", et son intro à la "Kashmir", durant lequel le groupe se montre plus organique, plus émouvant.
Il n’en reste pas moins que la modernité du son de ce "Escape" est un fil conducteur qui se retrouve dans le pesant et très contemporain "Hapiness" s’inscrivant totalement dans la scène de Rock moderne se voulant alternative. On retrouve toujours cette dualité entre un chant très clair et une musique bien plus lourde et violente. Les chœurs sont du plus bel effet et constituent au surplus un très judicieux contrepoids à l’aspect un peu froid du chant. Avec le mid-tempo "Slow Falling", le chant fait preuve de plus d’émotions, relayé en cela par de très belles parties de guitares claires et chaudes.
La suite est à l’avenant, le groupe réussissant à marier de manière très professionnelle les aspects mélodiques et immédiats de la Pop, avec l’énergie de la scène Rock en vogue actuellement. A cet effet, la plupart des gimmicks utilisés par les scènes Post-Grunge et Art-Rock sont utilisés ici, mais encore une fois, avec une mesure telle que l’on ne sombre pas dans l’effet de mode ou dans la copie simple des derniers groupes tendances. Par ailleurs, quelques passages atmosphériques très bien intégrés sont du plus bel effet.
Alors bien sur, nous ne sommes pas ici dans l’originalité la plus folle et Kinky Yukky Yuppy s’inscrit dans une scène qui commence à être copieusement fournie, mais malgré cela, leur premier album est très plaisant et n’a pas à rougir sur la scène internationale. Ce petit défaut d’originalité pourrait fort bien être masqué ou du moins occulté par des parties de guitares un peu plus variées. En effet, s'il y a bien une alternance de grosses guitares puissantes et de passages plus clairs, on a toutefois un peu de mal à définir une patte, une couleur spécifique en la matière, l’énergie que met le groupe dans sa musique, et la solidité de la section rythmique ne trouvant pas toujours son prolongement en termes de guitares. Ce qui est rassurant, c’est que naît le sentiment que cet état de fait résulte plus d’un choix artistique délibéré (auquel on peut adhérer ou non) que d’un manque de technique ou d’imagination. En effet, à de nombreuses reprises, le groupe réussie à nous stimuler les oreilles dans ce domaine.
Un premier album très mature et qui laisse entrevoir de réelles qualités, malheureusement un peu entravées par un léger défaut de personnalité.