Eternel artisan de série B, Nightfall a connu une modeste heure de gloire durant les années 90 lorsqu’il était signé chez le label français Holy Records, écurie qu’il a quittée par la suite pour sombrer dans un quasi-anonymat, lequel a abouti en toute logique à son sabordage en 2006. Presque quatre ans plus tard, le groupe grec se reforme dans l’indifférence générale.
Pourtant, le fait d’avoir rejoint Metal Blade devrait lui apporter une évidente lisibilité qui lui a toujours fait défaut. Cela seul ne saurait pour autant expliquer le naufrage du navire il y a quelques années. Un style en perpétuel mouvement, oui. Car si chez certain le changement de genre d’un album à l’autre rime avec liberté et inspiration en constante ébullition, chez Nightfall, cette faculté s’apparente plutôt à une identité qui se cherche. La preuve: quel lien entre Macabre Sunsets (1993), Lesbian Show (1997) ou justement ce Astron Black And The Thirty Tyrants ? Peu de choses en réalité si ce n’est des couleurs sombres toujours prédominantes et le chant cendreux de Efthimis Karadimas.
Chantre d’un Dark metal transgénique où se croisent des emprunts au Black, au Death pas trop méchant, à l'électro et au gothic, le groupe donne l’impression avec ce nouvel effort de vouloir renouer avec les atours ténébreux et crépusculaires des débuts malheureusement phagocytés par des traits par trop mélodiques. Ces réserves exposées, reconnaissons néanmoins que Astron Black And The Thirty Tyrants s’écoute sans déplaisir, collection habile de douze morceaux où les claviers à la méditerranéenne font plus que jouer les figurants ("Asebiea", drapé dans les teintes digne d’un péplum de série Z), se taillant la part du lion avec des guitares biberonnées au Heavy Metal.
De bonnes choses donc (notamment "Astron Black", "Astronomica" que parasite toutefois un chant lyrique mal venu, "Astra Planeta" et son début malmsteenien, et surtout "The Criterion", véritable hymne en puissance), d’autres plus quelconques ("Archon Basilews") ou simplement mal positionnées ("Epsilon Lyrae" que l’on aurait imaginé ailleurs qu’en fin de parcours), les premières l’emportant tout de même sur les secondes.
Œuvre sans charme ni passion et encore moins d’identité, qui peine à évoquer la puissance mythologique de la Grèce antique, le bilan de cette huitième offrande est de justesse positif, mais cette (timide) réussite retrouvée permettra-t-elle à Nightfall, qui n’a jamais pu affirmer une signature comme sont parvenus à le faire ses compatriotes Rotting Christ et Septic Flesh, de tutoyer de nouveau le succès, aussi modeste soit-il ? Il est permis d’en douter. Du coup, les Grecs ont peu de chance de s’extirper de l’ornière de la seconde zone. Mais il y aura bien quelques fans pour accueillir ce retour avec enthousiasme...