Alors que depuis le début de sa carrière solo, Peter Hammill avait habitué ses fans à la parution quasi métronomique d'un album studio par an, trois longues années se sont écoulées entre la sortie de Patience et celle de son treizième disque. Certes, PH n'est pas resté inactif durant ce laps de temps : la sortie en 1984 de The Love Songs, compilation de titres réenregistrés avec de nouvelles orchestrations, et en 1985 du double live The Margin avaient permis de prendre son mal en "patience" (pour le coup, le titre de son dernier album était prémonitoire). Et, comme pour compenser le vide créé par cette absence, ce n'est pas un, mais deux albums que Peter Hammill sort en 1986 : Skin en début d'année et And Close As This un peu plus tard.
Avec Skin, Peter Hammill met fin à la période moyennement réussie qu'il a partagée avec le K Group. L'amateur éclairé ne peut que frétiller d'espérance en découvrant le line-up : les trois compères de VDGG, Hugh Banton, David Jackson et Guy Evans sont là, mais aussi Stuart Gordon, dont le violon magique avait résonné pour la première fois sur Just Good Friends. C'est donc le cœur battant d'émoi qu'il introduit le CD dans le lecteur, ou plutôt, pour éviter les anachronismes, qu'il dépose le vinyle sur la platine, et qu'il se prépare à savourer les sensations délicieuses qui ne peuvent que découler d'une telle conjonction favorable.
Las ! Le titre d'ouverture, Skin, en demi-teinte, ne peut que le plonger dans l'expectative, et si After The Show lui redonne un peu d'espoir, plus dure est la chute avec Painting By Numbers, particulièrement artificiel et vide. Les six premiers titres oscillent ainsi entre musique convenue et sans saveur et mélodie sympathique (Shell, A Perfect Date). L'écoute n'est pas désagréable, mais la demi-mesure est un style qui ne convient pas à Peter Hammill : il sait si bien nous chavirer avec son incomparable manière de torturer sa voix qu'une succession de titres sans relief, sans extravagances, paraît bien fade pour un tel artiste.
Comme pour prouver qu'il est capable de mieux, de bien mieux, Peter Hammill finit par deux très belles chansons. Four Pails est tout à la fois délicat et gorgé d'émotions, un titre dont le texte, une fois n'est pas coutume, n'est pas signé de PH mais de Chris Judge Smith, le co-fondateur de VDGG. Now Lover est un mini-epic qui rappelle, en moins intense, les titres les plus orchestraux de ses premiers albums ou de certains Van Der Graaf Generator. Deux titres qui viennent combler de bonheur les fans enfin récompensés de leur fidélité.
Si les années 70 avaient été la décennie des albums riches en émotions et inventivité, les années 80 sont plus en dents de scie, et ce sera malheureusement le cas jusqu'à la fin des années 90. Skin, sans être mauvais en soi, figure dans le peloton de queue des productions de Peter Hammill. Ceux qui ne connaissent pas cet artiste éviteront de commencer par ce disque. Les amateurs sauront qu'il ne s'agit pas d'un grand cru, mais plutôt d'un objet de collection.